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Addicte – Chapitre 5

Addicte - Chapitre 5



Candice me déposa à ma demande vers 7 heures du matin près de l’Hôtel de ville après une nuit presque sans sommeil parsemée d’étreintes. Un sourire sincère conclut notre aventure. Pas de coup de foudre, ni malentendu ni malaise, encore moins de mensonge, elle avait cherché une amante, moi une révélation, toutes les deux nous avions obtenu satisfaction.

  Elle fit demi-tour en direction du Pont Marie, en route pour rejoindre son équipe de tournage devant le Palais du Luxembourg. Un jour encore doux se levait, incitation à une réflexion qui n’avait rien d’amer, au contraire. Je rentrerai ensuite dans mon nid douillet, avide d’un repos réparateur, tandis que dans un car-régie près du Sénat une maquilleuse pesterait face aux cernes de la journaliste vedette.

  Cette histoire représentait davantage qu’une rencontre improbable dans une soirée un peu arrosée. Était-ce une tare ou une gloire d’accepter enfin ma nature profonde ? Car le doute n’était plus permis. Je déambulai d’un pas léger jusqu’au petit bar-tabac de la rue Renard, là où tout avait commencé onze jours plus tôt avec l’apparition de Chantal dont je n’avais aucune nouvelle.

  Continuait-elle à dévergonder les filles de passage perdues dans la capitale ? L’idée me fit sourire à l’instant de m’installer sur la terrasse encore déserte avant l’arrivée des fonctionnaires de mairie pressés par le besoin de nicotine. Le patron conservait l’allure d’un personnage de Marcel Pagnol, un torchon humide ajusté sur l’épaule comme la marque de sa fonction. Il se montra un peu plus loquace que la première fois.

  Bonjour mademoiselle, belle journée, hein. Je vous sers un petit café ?

  Je lui souris, comme j’avais envie de sourire au monde entier.

  Un thé au lait avec deux croissants, je meure de faim.

   

  Grande, élancée, la coiffure rousse déstructurée autour d’un visage grave à la limite de la sévérité, le regard acéré, l’apparition au bras d’Agnès m’interpela. « On arrive » avait pourtant précisé mon amie au téléphone moins d’une heure plus tôt. La visite ce samedi matin m’éveillait d’une savoureuse léthargie dans laquelle j’étais plongée depuis deux jours entiers, branchée sur la chaîne d’info en continue dans l’espoir d’apercevoir Candice.

  Axelle, s’amusa-t-elle de ma stupéfaction, voici mon amie Talya Amaliev. Elle va te faire un véritable book d’actrice.

  Le magnétisme des yeux verts me captiva aussitôt, la célèbre photographe tendit vers moi une main franche.

  Je ne mords pas, souligna-t-elle d’un timbre vaporeux à peine teinté d’un accent, du moins pas sur un plan professionnel.

  Provocation gratuite ou manière de détendre l’atmosphère ? J’aurai volontiers opté pour la première alternative tant il était facile de succomber à un tel charme. Les doigts fins se refermèrent sur les miens.

  Je m’absente quelques temps pour affaire, prévint Agnès amusée par ma réaction, Talya voulait te voir avant de partir.

  Je suis occupée moi aussi, reprit la photographe dont la sévérité avait disparu, on se voit vendredi prochain à la Galerie MR 13 Champs-Élysées vers 17h30 histoire de faire plus ample connaissance ?

  Une réponse s’imposa même si j’ignorais tout de l’endroit, y compris l’adresse. Il serait temps plus tard de m’interroger sur ce qui m’attendait.

  J’y serai… 

  Sans me laisser le temps d’approfondir ou de leur proposer de s’asseoir devant un rafraichissement, mon amie déposa une petite enveloppe sur le comptoir avant d’ouvrir la porte d’entrée.

  Je t’ai noté le rendez-vous et d’autres infos nécessaires, pour le reste amuse-toi un peu, c’est de ton âge.

  Elles disparurent aussitôt dans l’escalier tandis que je restai sonnée par la brièveté de la visite. Les cinq cents euros en billets de 50 dans l’enveloppe m’empêchèrent de croire à un rêve.

   

  J’avais par moments l’impression de grandir trop vite depuis mon arrivée, sans doute en était-il ainsi de toutes les nanas qui prenaient leur indépendance. Quoiqu’il en soit, la joie du shopping avec Juliette pendant sa pause m’avait ramenée à l’adolescence, quand on trainait les boutiques entre copines à Orléans, même si le choix était plus grand ici. Elle ne semblait pas affectée par notre histoire au bar la semaine passée, ou elle ne s’en souvenait pas.

  On avait trouvé dans un magasin sympa du 11ème une chemise-tunique blanche en mousseline de soie qui tombait à mi-cuisses, serrée à la taille par une ceinture tressée de la couleur de mes cheveux et des sandales lacées sur le mollet, l’ensemble conseillé par Agnès dans sa lettre. Elle me demandait de lui faire confiance mais de rester discrète, le milieu du cinéma se satisfaisait du culte du secret.

  J’ai largué mon mec, lança Juliette sans donner l’impression d’en souffrir à peine installée à la terrasse d’un bistrot après le shopping.

  Un simple « Ah ! » de ma part souligna la surprise malgré le désir d’en savoir plus. Je tenais à notre amitié naissante, trop pour la mettre en danger. L’absence de jeunes dans mon entourage se faisait sentir comme un manque.

  Les relations à distance ce n’est pas mon truc, continua-t-elle flegmatique, et quand il était à Paris c’était pour passer tout son temps chez lui à m’étouffer avec des questions sur mes fréquentations. Je ne voulais pas me sentir prise au piège d’un mec qui voulait régir ma vie.

  À aucun instant le sourire ne donnait l’impression d’être forcé, Juliette évoquait sa rupture comme un fait acquis, non comme une défaite. J’enviais sa désinvolture dans un moment pareil.

  Je veux être une nana avec quelqu’un, pas la nana de quelqu’un, tu comprends ? Et puis hésita-t-elle espiègle, on n’était pas du tout synchro côté baise. Les premières fois, je veux bien, mais avec lui c’était devenu franchement la rengaine dès le début. Jamais je n’aurais cru m’emmerder en faisant l’amour.

  Oups ! La liberté de penser entraînait une libération du langage, le vernis s’écaillait. Un rire franc tinta à mes oreilles.

  Quoi ? gloussa Juliette devant mon air déconfit. Je te choque ?

  Non ! Ta manière de l’exprimer m’amuse, c’est tout.

  Enfin non, elle me charmait plutôt, mais pas question de lui dire au risque de rompre l’enchantement. Le regard noisette s’éclipsa un très court instant derrière un battement de paupières appuyé. Laquelle des deux avait touché l’autre resta en suspension dans l’air chaud de l’après-midi.

  Parle-moi un peu de toi, sourit ma complice enfin calmée, tu arrives à t’habituer à la vie parisienne ? Les occasions ne te manquent pas de t’éclater dans le Marais, tu dois faire tourner les têtes.

  Compliment sincère ou message déguisé ? Seule certitude, sa mémoire n’avait rien occulté de l’épisode dans les toilettes la semaine passée. Par chance elle ne m’en tenait aucune rigueur.

  Je ne connais pas encore le quartier en fait.

  Prise au jeu, je me laissais aller à certaines confidences sans entrer dans les détails de ma vie sexuelle ni de la grande question de mon orientation. Il ne s’agissait nullement d’un manque de confiance, plutôt de la crainte de l’effrayer en endossant un vêtement de victime. Juliette s’amusa bruyamment avec la paille dans son jus d’orange avant de changer de sujet.

  Tu as avancé dans tes recherches ?

  Véritable pygmalion, Agnès Vidal me donnait toutes les raisons d’y croire.

  Une réalisatrice a fait le déplacement à Orléans pour discuter avec mon prof d’art dramatique, je crois qu’on va bientôt me donner ma chance.

  Génial ! s’exclama-t-elle sincère. On fait quoi maintenant ?

  La nouvelle liberté de Juliette n’incluait pas le changement d’orientation, je n’avais aucune intention de perdre son amitié.

  J’aimerai décorer un peu l’appart.

   

  L’idée de tromper l’ennui au bar dans ma rue s’était imposée naturellement. Passer du temps ici répondait à une exigence naturelle d’identification. Je m’installai au bout du comptoir près de la porte ouverte sur la rue, attentive aux entrées et aux sorties de nanas esseulées.

  Salut, tu veux boire quelque chose ?

  Je n’étais pas venue en quête d’une rencontre, mais le lieu induisait une attitude dont je souhaitais maitriser les codes. L’inconnue tourna vers moi une frimousse d’employée de bureau malmenée par ses collègues, du genre à crier « Au viol ! » quand un courant d’air s’infiltrait sous sa jupe. Il ne me vint pas à l’idée de me montrer charitable envers cette nana d’une trentaine d’années un peu paumée.

  Sous la chevelure brune flirtant avec les épaules tombantes, je découvris un adorable minois rond, plein, respirant la santé. Les lunettes à fine monture sur un nez droit un peu fort révélaient deux grands yeux noisette noyés dans l’incertitude. La bouche minuscule trembla d’hésitation.

  Une bière, merci, glissa une petite voix aigue, preuve de nervosité.

  Un geste à la barmaid, un sourire entendu, on nous servit. Mon invitée resta interdite devant le Vittel rondelle.

  Tu ne bois pas ?

  Sans l’avouer, j’estimais avoir beaucoup abusé d’alcool depuis mon arrivée à Paris, trop sans doute.

  Ça m’arrive mais pas ce soir. À la tienne quand même, fis-je armée de mon plus beau sourire. Comment tu t’appelles ?

  L’inconnue hésita à répondre, au point que je m’attendis à la voir prendre ses jambes à son cou.

  Sandrine, et toi ? se décida-t-elle enfin.

  Axelle. Tu fais quoi dans la vie, à part profiter d’une belle soirée d’été ?

  Euh pas grand-chose.

  La pousser à parler, lui montrer de l’intérêt, démonter le savant mécanisme de la séduction par des interventions réfléchies, ne pas jouer les ingénues éblouies, ne pas se mettre en avant ni en arrière, ne pas forcer les confidences mais provoquer le désir d’en faire, lire entre les lignes, tout cela me captivait. Je draguais pour la première fois avec un plaisir non feint.

  Moi non plus, on peut ne rien faire ensemble si tu le désires. Raconte-moi un peu ton histoire.

   

  Sandrine, qui se sentait hétéro depuis toujours, mariée et maman de surcroît, raconta l’arrivée d’une nouvelle collègue dans le cabinet d’assurance pour lequel elle travaillait depuis l’obtention de son diplôme. Lier connaissance lui avait semblé normal, se lier d’amitié avait suivi. La nouvelle parlait sans honte de son homosexualité, aussi de fil en aiguille la relation évolua.

  On n’a pas eu d’aventure, me devança la jeune femme après avoir commandé une seconde tournée.

  La réaction de défense prêtait à sourire, je m’en abstins néanmoins, persuadée de son honnêteté. La tentation de la découverte l’avait certainement effleurée mais une relation avec une collègue de travail aurait mis sa famille en danger, il était plus facile d’aller voir ailleurs.

  Comment dire bégaya l’inconnue, ça devient une obsession, je suis hantée par l’envie d’essayer. C’est idiot, hein !

  Je ne suis pas certaine qu’il existe une réponse valable dans ce domaine. Alors une pulsion t’a amenée jusqu’ici.

  J’assiste à un congrès ce week-end, admit Sandrine avec une facilité naissante, preuve que la belle se détendait, c’était l’occasion de réaliser ce fantasme loin de Tours ou j’habite. Personne n’ira en parler à mon mari.

  La situation ne me choqua pas vraiment. Candice m’avait parlé de ces femmes à la recherche d’une expérience avant de retourner à leur vie bien construite près d’un époux aimant. D’autres tentaient d’échapper un bref instant à la banalité de leur destin, comme si coucher avec une lesbienne pouvait rebooster une libido en perdition.

   

  Tu ne crains pas de ne plus pouvoir revenir en arrière ?

  La bonne blague, s’esclaffa Sandrine après un moment de réflexion, j’ai failli te prendre au sérieux.

  Séduire cette femme s’était imposé comme un passe-temps plaisant, une manière un peu simpliste d’exercer un nouveau talent. C’était plus facile avec les mecs, il suffisait de se montrer disponible puis d’accepter ou de refuser leurs avances ; plus simple mais bien moins gratifiant que de sentir fondre les réticences de l’élue au fur et à mesure de la soirée.

  Sait-on jamais, mais je ne veux pas être accusée d’abus de faiblesse.

  Sandrine observa son verre presque vide. Une gorgée de houblon et elle repartit dans sa diatribe.

  L’alcool c’est comme une histoire de fesses à un repas entre amis ou en famille, un homme en parle alors tout le monde rit. Une femme fait la même chose, on la dévisage comme une lépreuse. Vive l’égalité !

  Sa réaction ressemblait à celle de Juliette dans l’après-midi. Nouvelle étape dans le processus de séduction, on arrivait à relever certains mots ou expressions particulières à chacune avec humour. L’ironie permettait d’en apprendre sur les espoirs à court terme, sur ce que chacune attendait de l’autre dans l’immédiat, une manière de dédramatiser la situation. Je me fis prendre de vitesse par Sandrine à ce jeu.

  Tu viens ici chercher la femme de ta vie.

  Euh non, finis-je par admettre. Un peu de bon temps suffirait.

  Les yeux derrière les lunettes s’écarquillèrent, la commissure des lèvres se releva, je m’attendis presque à la voir se gratter la tête sous l’effet d’une intense réflexion, ou se frotter le menton comme un personnage de dessin animé. La surprise venait de changer de camp. Je choisis de porter le coup de grâce.

  Au moins te voilà rassurée, je n’irai pas te relancer à Tours.

  Oui non ! se débattit-elle aussitôt, prise à son propre piège. C’est seulement que, euh je ne pensais pas à ça.

  Sandrine paraissait moins embarrassée par la situation que par le fait de l’admettre, et elle mentait mal. Des regards attirés par nos rires se tournèrent dans notre direction. Leur présence ne nous gêna pas, il était trop tard pour cela. Certaine de ne pas essuyer un refus, amusée d’abandonner les indiscrètes à leur sort, je pris une main de Sandrine dans la mienne. Son frisson se propagea à tout mon être.

  On va chez moi, j’habite à côté.

  Un battement de cils derrière les lunettes éveilla mon désir.

   

  Tu annonces la couleur, au moins, gloussa Sandrine dont la main restait dans la mienne à la découverte de mon alcôve.

  Disons que je n’aime pas l’hypocrisie.

  Tu as vu le film ? ajouta-t-elle après un sourire de connivence, confrontée au poster évocateur sur lequel Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux donnaient l’impression de se brouter mutuellement le minou.

  La photo du film « La vie d’Adèle » trouvée sur le Net transférée sur une clé USB en fin d’après-midi, j’en avais fait un tirage grand format de moyenne qualité, punaisé à la va-vite sur la porte de la chambre.

  Bien sûr, c’est la Palme d’or du festival de cannes 2013.

  Alice au travail dit que les scènes de sexe ne sont pas réalistes dans le contexte, ça va trop vite d’après elle. Jamais la première fois

  La pauvre Sandrine se sentait gagnée par la  panique à l’idée de passer à l’acte. Il ne me viendrait jamais à l’esprit de la forcer.

  Ne t’inquiète pas, dis-je en effleurant ses lèvres. Tu veux boire quelque chose ? Je n’ai plus de bière.

  Comme toi, ça ira.

  Je tapotai rapidement sur la télécommande de la stéréo. Une voix sensuelle s’éleva sur un air de Chill out. Deux petites bouteilles de vodka soda, des verres pour la forme, puis je m’adossai au bar, contemplative, tandis que Sandrine se tenait à deux mètres au milieu du salon, le regard allumé. Elle se mit à danser seule contre toute attente.

  Son ondulation au rythme de la musique provoqua l’entrebâillement du chemisier échancré sur une gorge laiteuse. Les seins ne semblaient pas très gros mais pleins, d’une exquise rondeur. Elle s’approcha posément, provocante, portée par deux cuisses pleines mises en valeur par la jupe fendue sur le côté. Sa main joua avec les pans de la chemise, les écarta afin de livrer à mon regard subjugué la vision d’un nombril profond entre les hanches larges.

  Sandrine coulée contre moi mordilla ma lèvre inférieure. Elle saisit une bouteille sur le comptoir avant que je l’embrasse, virevolta en souplesse et se posa à côté de moi, son bras contre le mien.

  Je l’enlaçai pour un slow. On se déhancha dans un langoureux corps à corps, ses formes incrustées aux miennes, ma joue sur son front, attitude d’abandon mutuel. Le sucré de son parfum léger disparut derrière la fraîcheur naturelle de sa peau.

  Un regard échangé, l’acceptation du désir, la tendresse partagée d’un sourire, je pris ses lèvres avec douceur. Notre baiser s’éternisa le temps de la danse, sans autre geste que mes mains sur ses hanches et ses bras autour de mon cou. Les corps enlacés, les langues lovées l’une contre l’autre, on laissa monter la fièvre sans provocation inutile.

   

  Repue de ma salive, Sandrine me poussa contre le bar dans ma position initiale. Elle m’offrit à nouveau sa bouche après l’avoir remplie d’une gorgée de vodka soda. Nos langues se mêlèrent dans le liquide pétillant dont une partie échappa à ses lèvres pour se répandre dans son cou. Je léchai le résultat jusqu’à l’entendre soupirer de bonheur à la découverte de son propre désir. La panique avait disparu.

  On s’aventura dans une lente découverte de nos nudités par un déshabillage mutuel, sans plus attendre, sans rien précipiter, détachant nos vêtements un à un. L’exercice s’éternisa, entrecoupé de regards captivés, de caresses suggérées, de halètements compulsifs au son envoûtant de la Chill. Les habits mélangés jonchèrent enfin le parquet entre la porte et le bar.

  Les bras tendus, ses mains dans les miennes, je me laissai aller à l’observation du cou fin dans lequel battait la grosse veine. Les seins étaient comme je les avais imaginés, pas très gros, ronds et larges aux belles aréoles brunes, aux tétons encore sages. Je fus une fois encore surprise par la profondeur du nombril au milieu du ventre plat joliment dessiné. La taille mince évasée sur des hanches pleines, une toison taillée en fin duvet voilait à peine le pubis. Mon regard se focalisa sur la naissance de la fente fermée d’un fruit qui ne demandait qu’à être cueilli. Les cuisses galbées sur deux longues jambes parachevaient ce nu artistique de femme accomplie.

  Sandrine me détailla de la même manière. L’éloquence de son regard était un appel à me sentir belle, désirable. Je redécouvrais à chaque aventure le pouvoir de l’érotisme suggéré, de la sensualité d’un corps exposé à la vue de l’autre, offert dans tout ce qu’il avait de plus impudique.

  Je remplis sa bouche d’une gorgée de vodka. Nos langues se retrouvèrent dans le liquide qui s’évada de nouveau entre ses lèvres charnues. Je léchai le résultat sur son menton, dans son cou, entre ses seins que j’empoignai au passage, jusqu’au nombril que je pénétrai de la langue. Tendue, ma belle poussa son ventre en avant. Pourtant, je ne répondis pas à sa supplique.

  Puis ma bouche suivit le chemin inverse. Je remontai lentement de long de ce corps vibrant ardemment désiré. Je pris ses lèvres dans un nouveau baiser passionné. Sandrine empoigna mes fesses pour mieux nous souder l’une à l’autre.

  Un second slow nous rapprocha du lit. Ma cuisse gauche se faufila entre ses jambes, se frotta à ce sexe que j’allais toucher, caresser, embrasser. Sa langue dans ma bouche, elle laissa ses pétales s’ouvrir, un peu de mouille se déposa sur ma peau.

   

  Sandrine prit ma bouche en distillant les premiers effleurements à l’intérieur de mes bras, sur mon cou, mes flancs, sans se précipiter sur les zones sensibles. Elle voulait se montrer à la hauteur sans y parvenir, rien de plus logique. Je lui abandonnai volontiers l’initiative afin de ne pas la brusquer.

  Mes mains sur ses formes trahissaient l’impatience. Malgré les efforts pour l’imiter, pour doser la provocation, je cédais toujours en prenant un sein dans une main, l’autre glissée dans le sillon chaud séparant ses fesses rondes. Alors son ventre se contractait contre le mien, on remonta nos cuisses pour qu’elles participent à la fête.

  Sans trop s’attarder aux préliminaires cette fois, Sandrine me plaqua contre le lit, une main à plat sur ma gorge, le regard brûlant accroché au mien. Elle se pencha lentement jusqu’à glisser la langue dans mon oreille.

  Tu la veux dans la chatte ?

  La vulgarité de la proposition m’interpella, semblable à de l’autosuggestion, comme si elle voulait se persuader d’en avoir le cran. Ma poitrine se souleva pour toute réponse. Elle glissa sur mon corps à reculons sans me quitter des yeux, peut-être allait-elle oser. Sa bouche s’attarda à peine sur mes seins, pas assez à mon goût, le temps de suçoter les pointes tendues, de les faire durcir encore.

  Une main s’aventura déjà dans ma touffe, l’autre lui servant d’appui, elle continua sa progression jusqu’à descendre du lit. Reprenant ses gestes lents, elle attira mon bassin au bord de la couche, mes pieds au sol. Dans un réflexe, j’attrapai les oreillers pour les glisser sous ma nuque, désireuse d’ajouter au plaisir de recevoir celui de l’observer.

  Agenouillée à même le parquet entre mes cuisses ouvertes, Sandrine comprima mon pubis d’une savante pression en ouvrant mes chairs de son autre main. Ce geste révélait une pratique certaine de la masturbation féminine. Depuis combien de temps se branlait-elle sur le fantasme d’une étreinte lesbienne ? L’idée d’être sa première expérience fit encore monter mon excitation.

  Elle se concentra sur mon intimité à l’exploration de ma vulve jusqu’à la zone du clitoris, par touches légères comme les derniers vestiges de sa retenue. Vite, bien trop à mon grand désespoir, elle investit mon vagin d’un doigt impérieux. Maudite habitude d’hétéro de croire que la pénétration représentait l’apothéose. Pas si niaise, Sandrine comprima mon clito entre ses lèvres. Elle aussi devait s’astiquer le bouton quand son mari la prenait.

  La sensation d’être fouillée m’arracha un premier soupir précipité. L’ignorante prit ma gêne pour un encouragement et joignit un second doigt au premier, l’intrusion devint pénible.

  Tant pis, je me refusais à briser l’élan méritoire. Rapidement elle se concentra sur mon clito, ma tête bourdonna d’une musique que moi seule pouvais entendre. Les yeux sur la tignasse qui montait et redescendait sur mon minou au rythme des coups de langue dénués de subtilité, je devinais son angoisse à la pensée de goûter ma cyprine.

  Contrairement à ce mon amante imaginait, tous nos efforts conjugués pour m’amener à l’orgasme étaient vains, mon corps refusait de se laisser aller. J’interrompis d’une pression sur son poignet la pénétration désagréable. Ma frustration dissimulée derrière un sourire, je lui ouvris mes bras.

  Viens là, ce n’est pas grave.

  Je suis nulle, hein ?

  Les chemins du plaisir étaient parsemés d’embûches. Heureusement pour nous deux, Sandrine pourrait retenter sa chance un peu plus tard. Pour l’instant, je connaissais le moyen de la rassurer.

  Chut, laisse-moi faire.

   

  Mon amante allongée sur le lit ferma les yeux à la manière d’une personne qui faisait semblant de se montrer confiante dans l’espoir de conjurer ses craintes. Accroupie au niveau de son bassin, j’en profitai pour l’observer, suivant d’un frôlement des doigts l’objet de mon admiration. L’effleurement devint rapidement caresse franche, son corps réagit. Elle gémit de bien-être.

  Ma bouche entra dans la danse, Sandrine se crispa mais je la voulais toute à moi. D’abord sur les bras, dans le cou où battait de nervosité la grosse veine, sur le ventre dur comme la pierre, des pieds aux cuisses fermes, ma langue laissa des sillons humides sur sa peau. Ayant gardé le meilleur pour la fin, je jouai avec le nombril profond. Elle se détendit peu à peu.

  N’y tenant plus, je m’appropriai les seins larges, galbés. Leur réaction me ravit. La tête tournée afin de saisir l’expression de son visage tourmenté, je m’attardai sur les tétons jusqu’à les sentir durs sous ma langue. Ma propre excitation revint au galop. Puis je repris ma position, une main sur sa poitrine, l’autre dans les poils courts de son pubis. Le sursaut prouva qu’elle n’était pas encore totalement rassurée.

  J’aurais voulu la maintenir ainsi en éveil, prête à toucher l’essentiel sans le faire, la grimace sur ses traits me supplia de mettre un terme au supplice. J’aidai mon amante à se relever, lui offrit un biaiser profond au passage, et m’allongeai à sa place, la tête en hauteur soutenue par les oreillers.

  Viens.

  Sandrine comprit, elle s’installa à califourchon de manière à voir mon visage. La moiteur de son sexe me donna le vertige. Ma langue aussitôt dans les nymphes, je la léchai pour notre plus grand plaisir partagé. La maintenant par les fesses, j’imprimai à son bassin la lenteur du va et vient. J’aurais aimé l’entendre gémir mais aucun son ne sortait de sa bouche béante.

  Penchée en avant, le menton sur sa gorge, elle m’observait d’un regard brillant en triturant ses tétons bandés. Pensait-elle à la même chose que moi en cet instant, quand la confiance me poussait à lui offrir la caresse suprême, qu’elle acceptait de poser sur mes lèvres ce qu’elle avait de plus secret, de plus précieux ? Je me régalai de la saveur douce amère, satisfaite de la sentir sur mes joues, mon menton, heureuse d’en avaler.

  Ouhhhhhh ! rugit enfin Sandrine.

  J’aurais pu la pénétrer d’un ou deux doigts, masturber son clito, mais l’amener au plaisir par le seul pouvoir de ma bouche était un défi que je tenais à relever. Ma langue s’insinua en haut des petites lèvres jusqu’à dénicher le petit bouton turgescent. Mon amante s’arcbouta sous l’effet de la surprise avant de revenir dans sa position initiale, les cuisses se contractèrent autour de mes joues.

  Sandrine lâcha bientôt la bride d’un orgasme sincère, elle se déhancha sur ma bouche de longues secondes. Mes mains sur ses fesses n’étaient plus là pour la guider mais pour garder le contact avec sa peau veloutée.

   

  L’inquiétude avait disparu dans le regard embué de mon amante, remplacé par un sentiment de gratitude.

  Tu restes dormir ?

  Cette question me paraissait plus judicieuse que les remarques habituelles du genre « C’était bon, hein ! » ou « Tu as joui. » destinées à flatter l’égo d’amants imbus de leur virilité. Franchement pas dans la course à la performance, je n’avais aucun besoin d’être rassurée. Le bien-être communicatif de Sandrine allongée près de moi suffisait à ma tranquillité d’esprit.

  Tu as sommeil ? demanda-t-elle en jouant avec une mèche de mes cheveux.

  Pas du tout. On devrait mettre le réveil à sonner si tu ne veux pas arriver à la bourre demain au congrès.

  Je prendrai un taxi, murmura la belle pelotonnée dans mes bras. Tu sais je ne suis pas égoïste.

  La remarque signifiait la détermination à ne pas me laisser dans la frustration. J’avais connu ça avec Agnès juste après qu’elle m’eut fait l’amour, la jouissance entrainait invariablement la notion de plaisir partagé.

  Tu ne me dois rien, c’est beau une femme qui jouit.

  Une main audacieuse glissa entre mes cuisses, un doigt s’aventura dans ma grotte. Je m’attendais à une petite masturbation salutaire quand l’intrus disparut. Sandrine observa sa phalange brillante avant de l’effleurer d’une langue timide, sa manière de goûter ma saveur m’amusait. L’étonnement laissa vite la place à une réaction positive, un sourire carnassier redessina sa jolie bouche.

  Hummm j’ai envie de te lécher.

  Je ne l’imaginais pas reculer cette fois.

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