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Dédale – Chapitre 1

Dédale - Chapitre 1



Il y a eu cette fille. Une fille admirable, belle, sympathique, cultivée et talentueuse. Je lai observé, jai appris à la connaitre, je suis devenu son ami et je lai aimée. Elle était tout pour moi mais elle lignorait, du moins au début.

Quelle soirée pénible. Pourquoi suis-je venu ? Pour elle évidemment. Je ne supporte pas chaque instant loin delle. Alors quand elle vient me proposer de laccompagner à une soirée, jai beau ne connaitre personne, je la suis les yeux fermés. A si seulement elle connaissait mes sentiments. Je suis incapable de lui dire. Maimerait-elle en retour ?

La soirée a plutôt pas mal débuté. Elle ma présenté ses amis et puis elle sest éloigné, happée par la foule et à partir de là jai commencé à me sentir perdu, pas à ma place. Je nai jamais été très doué pour les relations sociales alors quand je me retrouve seul parmi un flot dinconnus cest un vrai calvaire. Ses amis ont lair sympathique mais voilà, moi je ne les connais pas et je nai rien à leur dire. Jai envie de fuir.

Me voilà seul dans la salle de bain. Jai prétexté une envie pressante pour respirer un peu. Jai limpression que ça fait des heures que je suis enfermé là-dedans. La fête doit être finie maintenant. Je devrais peut-être sortir de ma cache.

Pourquoi restes-tu seul ?

Je me retourne dun bond vers cette voix. Elle est là, magnifique comme dhabitude. Quelque chose anime la jolie couleur océan de ses yeux, un trouble. Jai envie de la prendre et de la serrer dans mes bras, de lui caresser la joue et de lembrasser. Cest si dur de voir la fille quon aime tous les jours et de ne rien pouvoir lui dire. Comment est-elle entrée ? Peu importe, elle est là et cest tout ce qui me va. Je bredouille quelques explications maladroites qui nont pas lair de la convaincre. Tant pis.

Tu ne devrais pas rester seul, insiste-t-elle avec un timide sourire.

Elle sapproche de moi lentement sans oser croiser mon regard. Mon cur saccélère. Lespace entre nous se réduit de plus en plus. Elle nest bientôt quà quelques centimètres de moi. Une main se pose sur mon bras comme pour mempêcher de prendre la fuite. Son visage sapproche du mien. Lazur de ses yeux croise enfin mon regard. Elle semble surveiller ma réaction. Je suis hypnotisé, perdu dans le fond de ses yeux. Cest plongé dans un état second, comme dans un rêve, que je me retrouve quand ses lèvres se soudent aux miennes. Cela semble si étrange. Je vis un fantasme. Le baiser timide devient peu à peu passionné. Nos langues semmêlent et son corps se colle au mien. Je peux enfin la prendre dans mes bras, la touché. Cest merveilleux.

Cela doit faire maintenant une éternité quon sembrasse. Mes mains ont eu le temps de découvrir chaque parcelle de son corps, den apprendre chaque courbe et den connaitre les moindres réactions. Ses mains ont fait de même avec le mien. Cest comme si nous nous connaissions depuis toujours maintenant.

Je taime, lui déclaré-je enfin.

Je sais. Moi aussi, je taime.

Nous voilà maintenant dans une sorte de parc. Nous nous promenons main dans la main. Je me sens enfin complet. Lavoir à mes côtés est si formidable. Je ne supporterais pas que cela se termine. Sans elle ma vie deviendrait un cauchemar.

Une douce mélodie retentit comme une brise légère. Les notes glissent sur des arpèges et laissent planer un air mélancolique. La musique est si belle et si triste à la fois. Cest justement lair quaffiche maintenant mon amour. Je la serre dans mes bras. Je la sens frissonner ; mauvais présage. Je cherche à la réchauffer par mon étreinte mais mes efforts restent inefficaces. Une larme roule sur sa joue. Je ne la vois pas mais je le sais.

Je ne veux pas partir, murmure-t-elle.

Alors reste avec-moi, limploré-je, pour toujours.

Tu sais que je nai pas le choix. Ce nest pas moi qui décide.

Je taime mon amour.

Moi aussi, murmure-t-elle. Dansons maintenant. Cet air est si beau.

Alors nous nous laissons bercés par la mélodie. Nous tournoyons en rythme, serré lun contre lautre. Linstant semble si magique mais la fin se fait sentir. Jaurais voulu que ce moment ne se termine jamais. La musique sarrête et notre danse avec. Un petit flocon de neige vient de se poser sur la joue de mon ange ; nouveau présage. Je lessuie délicatement avec un doigt. Nous brisons notre étreinte pour nous apercevoir quun voile blanc à recouvert le parc. La neige continue de sabattre par flot interminable.

Jaime la neige, soupire-t-elle mélancoliquement. Elle semble si pure. Cest magnifique.

Malgré tout elle sourit. Elle est si touchante. La fin est proche je le sens, elle aussi. Cela ne va plus tarder. Elle se met à grelotter. Je mapproche delle pour tenter de la réchauffer mais la distance entre nous semble se creuser.

Jai si froid, commence-t-elle à pleurer.

Elle est trempée, comme si elle venait de plonger dans une eau glaciale. Je ressens le froid moi aussi. Je cours vers elle mais elle séloigne de plus en plus vite. Quelque chose semble la happée loin de moi. Elle est terrifiée et tend un bras désespérée pour tenter dattraper ma main. Mais rein à faire, elle disparait dans le froid. Je hurle de désespoir tandis quune douleur sabat sur mon dos.

Je suis assis dans un fauteuil au milieu dun groupe détrangers. Ils discutent de cinéma, de films que jai vu ou non. Nous sommes situés en plein milieu de la rue entre deux rangées de bâtiments lugubres. Pourquoi ? Je nen sais rien. Un poste de télévision est positionné juste devant moi.

Je tente de participer aux débats qui les animent mais jai limpression quils ignorent mes remarques la plupart du temps. Je me sens perdu. Je ne suis pas à ma place parmi eux. Je ne fais pas parti de ce groupe. Alors je commence à me refermer sur moi et mes yeux se posent sur les images qui animent lécran de télévision. Un couple danse dans un parc enneigé. Je ne sais pas pourquoi mais jai mal pour eux. Cest comme si javais déjà vu ce film, que je connaissais la fin mais que je narrivais pas à men souvenir. Jai froid et une douleur mélance dans le dos.

Une voix retentit derrière moi, brisant mon étrange fascination pour cet écran. Je me retourne et découvre avec joie quelle est là. Je me souviens maintenant. Cest elle qui ma trainé ici, parmi ces gens. Je la suivrai nimporte où. Ah si seulement elle connaissait mes sentiments pour elle. Jaimerais le lui dire mais je ne sais pas comment. Et puis jai peur de la perdre, quelle me rejette si jamais ce nest pas réciproque. Elle est si belle.

Elle na aucun mal à se mêler de la conversation. On sent quelle est à laise. Cest vrai quils sont ses amis. Elle rit à leurs blagues ; je souris en réaction. Je lobserve remuer ses douces lèvres. Comme jaimerais lembrasser. Je me sens mieux depuis quelle est là même je suis encore étranger aux groupes. Qui sait, un jour, ces gens seront peut-être aussi mes amis. Son attention se porte à peine sur moi mais le fait de la voir heureuse suffit à calmer mon trouble. Je ne sais pas combien de temps je lobserve échanger avec ses amis. Elle se tourne finalement vers moi et, le regard troublé, madresse enfin la parole.

Pourquoi restes-tu seul ?

Je peine à comprendre sa question quand je maperçois queffectivement, nous ne sommes plus que seuls dans cette rue. Le décor est toujours le même, la télévision et le fauteuil qui maccueille sont encore là mais tous ses amis ont disparus. Sont-ils partis où est-ce moi qui me suis isolé ? Je ne men souviens plus.

Tu ne devrais pas rester seul, insiste-t-elle le regard perdu dans les abysses.

Elle sapproche doucement et se penche vers moi. Son doux parfum envahit mes narines.

Mon cur bat la chamade. Jai limpression de me noyer dans son regard. Jouvre ma bouche comme pour reprendre de lair quand ses lèvres se collent aux miennes. Nos langues semmêlent. Cest si merveilleux, depuis tout ce temps, je lembrasse enfin. Je rêve éveillé.

Je taime, lui déclaré-je.

Je sais. Moi aussi, je taime.

Cest si bon dentendre le son de sa douce voix prononcer ces quelques mots. Nous nous embrassons de nouveau, avec bien moins de retenue, comme si nous lavions fait des centaines de fois. Jai limpression de la découvrir totalement, comme si nos âmes sentrechoquaient et quelles parvenaient à fusionner. Notre baiser dure un bon moment quand soudain quelques notes de musiques retentissent, une litanie mélancolique. Un frisson parcourt mon échine tandis que mon amour se relève et tourne un regard perdu sur le côté.

Cest notre musique, soupire-t-elle tristement.

Maintenant quelle le dit, je maperçois, quen effet, ses arpèges me semblaient familiers. A lécoute de ces notes, mon ange parait distant. Jai envie de me lever pour la serrer dans mes bras et la rassurer mais mes jambes refusent dobéir. Elle aperçoit mes efforts.

Lève-toi maintenant, mimplore-t-elle. Jai envie de danser. Cet air est si beau.

Je ne peux pas. Pas depuis

Depuis quoi ? Me coupe-t-elle. Souviens-toi, ce nest pas encore arrivé.

Elle a raison. Je retente un essai et cette fois mes jambes mobéissent. Me voilà debout. Je peux enfin la prendre dans mes bras et lui sécher la larme qui perle sur sa joue. Elle me lance un sourire qui se veut rassurant mais je sens bien que quelque chose de grave se prépare. Je ne sais pas quoi faire pour empêcher cette fatalité de sabattre. Je ne peux quexaucer son souhait. Alors nous dansons lentement sur notre musique oubliant là où nous sommes. Nous nous embrassons encore comme si cétait la dernière fois. Les yeux fermés, je savoure chaque instant.

Dun coup, nous percutons quelque chose. Notre danse se termine ainsi. Je rouvre les yeux pour mapercevoir que nous avons changé de décor. Nous sommes maintenant situés dans un bus en marche, dans le couloir central, entre les rangés de fauteuils. Cest dailleurs un de ces derniers que nous avons heurté. Nous sommes seuls dans le bus, ni passager, ni chauffeur mais le véhicule est quand même en marche. Nous regardons, main dans la main, le paysage défilé. Les premiers flocons de neige apparaissent ; ma main serre celle de mon amour. Ces quelques flocons laissent bientôt placent à une véritable tempête plongeant rapidement le paysage dans un blanc immaculé.

Jaime la neige, pleure mon ange. Elle semble si pure. Cest magnifique.

Pas moi, finis-je par me rappeler. Elle marque la fin.

Je ne veux pas partir, murmure-t-elle.

Je te retiendrais, lui promets-je.

Non, il ne le faut pas. Tu dois me laisser partir. Cest le seul moyen que tu sortes de là. Jure-moi que tu me laisseras partir, mimplore-t-elle désespérément. Je ten supplie.

Jamais ! Je suis perdu sans toi.

Je ten prie mon amour. Il le faut. Tu dois sortir de là et revivre, hurle-t-elle dune voix de plus en plus lointaine.

Des bruits de freins retentissent et le véhicule est secoué dans tous les sens. Des éclats de verres pleuvent sur nous. Quelque chose me percute le dos et une immense douleur menvahit. Je nous sens basculer dans le vide. Mon regard se tourne vers le devant du véhicule où je vois leau se rapprocher dangereusement. Le bus la percute violemment. Des flots glacials sengouffrent à lintérieur et nous inonde. Mon amour tend une main terrifiée vers moi mais je nai pas le temps de lattraper que les courants laspirent loin de moi. Je veux hurler mais mes poumons se remplissent deau à la place. Je perds connaissance.

Il y a eu cette fille Cette fille que je refuse dabandonner. Tant pis si je dois errer à jamais.

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