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Julie et Mariam – Chapitre 1

Julie et Mariam - Chapitre 1



Ma langue passe et repasse lentement sur mes canines supérieures. J’ai toujours aimé la sensation procurée par ce mouvement. Depuis son entrée dans la salle, j’admire la peau métissée de la femme assise devant moi. Une goutte de sueur perle le long de sa nuque pour venir mourir sur son charmant débardeur à bretelles qui lui colle au corps. La chaleur torride de ce début d’été sature l’air de la pièce en manque d’aération. Nous transpirons tous façon sauna. Quelle idée stupide de prévoir des sessions dans cet endroit où cinq postes informatiques tiennent à peine ! Et ces murs aux couleurs délavées, cette moquette hors d’âge ne rendent pas honneur à la réputation de la maison.

Par un beau lundi matin de juin, nos prétendants ont attendu un long moment dans le hall pour signer leur feuille de présence. Je les ai sentis nerveux et impatients d’entamer les épreuves afin d’obtenir notre fameux certificat de validation de connaissances ; un Graal qui ouvre de nombreuses portes dans l’univers de l’informatique de pointe. Depuis quatre ans, j’ai le privilège de travailler pour Charles Vanher, l’emblématique patron et fondateur du groupe Airana, spécialisé dans les secteurs de l’informatique et des technologies avancées. Le siège de Paris héberge une de ses dernières idées de génie : une section un peu particulière, refuge de geeks en tout genre dont je fais partie, délivrant le fameux sésame.

Ce matin-là, sans trop savoir pourquoi, les courbes félines de l’unique femme du groupe ont attiré mon attention et éveillé mes sens. Une taille mannequin avec une silhouette de rêve et quelque chose de sensuel dans sa façon d’être, indéfinissable. Un coup d’il sur sa fiche m’indiqua : Mariam Le Guennec, trente-six ans, session de développement ; et le tirage au sort fit mon bonheur en me désignant comme sa tutrice. Discrètement, mon ami Paul m’a poussée du coude et glissé à l’oreille : « Tu es une petite chanceuse, toi ! ». Don Juan invétéré et amateur de femmes exotiques, je suis sûre qu’il aurait vendu son âme au diable pour troquer sa place contre la mienne. D’humeur taquine, je lui ai répondu « T’aimerais bien lui montrer ton jeu de langue, hein ». Paul m’a mollement frappé l’épaule avec un regard faussement sévère et j’ai eu un mal fou pour ne pas éclater de rire.

Ensuite, le discours de bienvenue du patron, très en forme ce matin, traîna en longueur et le timing nous laissa juste le temps d’échanger nos prénoms.

À chaque regard sur l’écran de son candidat, Paul soupire et lève les yeux au ciel, signe que sa semaine va être compliquée. Je souris. Chaque session a son maillon faible et ces dernières semaines, j’ai eu le chic d’être la gagnante. Aujourd’hui, je suis d’humeur joyeuse, le sujet semble parfaitement convenir à Mariam que je sens à l’aise. Notre rôle est simple, pendant cinq jours, nous scrutons et évaluons à la loupe un postulant, appelé candidat ou stagiaire selon notre humeur sur des exercices pointus de développement. D’ailleurs, une erreur d’inattention m’interpelle sur son écran. Je me penche doucement à son oreille, une bonne occasion pour profiter des fragrances de son corps ; l’odeur de sa peau mélangée à un parfum fruité est un vrai plaisir, elle le porte à merveille.

Attends deux secondes, s’il te plaît.

Je suis une olfactive comme l’observe souvent Paul. Certains effluves ont tendance à éveiller mes plus bas instincts, mon côté louve, paraît-il. Elle stoppe la saisie de ses lignes de code et tourne la tête dans l’attente d’une réponse. J’allonge le bras pour lui souligner l’endroit où elle a fauté, et au moment où ma main effleure son épaule dénudée, un frisson me parcourt l’échine ; une légère décharge électrique qui se transmet jusqu’à mon bas-ventre et me fait tressaillir.

Tu… tu as oublié un paramètre ici, et pense à commenter à la suite, lui dis-je doucement à l’oreille, quelque peu troublée.

Elle acquiesce d’un signe de tête et réagit au quart de tour, puis ses mains agiles reprennent leur course folle sur le clavier. La correction est parfaite. Par réflexe, je pose amicalement ma main sur son épaule pour valider, mais ce geste anodin a lui aussi des conséquences inattendues. Mes doigts sur la naissance de son cou me transmettent une chaleur particulière qui me chauffe le sang. Je n’ai jamais ressenti cela auparavant, même pour les beaux mâles bodybuildés, proies favorites de certaines de mes sorties de fin de semaine. Certes, sa peau est douce, mais il doit bien y avoir une explication rationnelle à tout ça. Le manque de sommeil et de plaisir charnel me joue certainement des tours ou alors… non, c’est idiot ! J’ai du mal à décrire la sensation qui naît en moi et monte comme un vague. C’est à la fois très plaisant et étrange, même si cela me gêne et que l’endroit est totalement inadéquat pour avoir ce genre de pensées.

Par instinct, j’ai envie de me laisser aller et profiter pleinement de ce moment.

Mon esprit part à la dérive, perdant petit à petit toute notion du temps. Quand une légère tape sur l’épaule me sort de ma torpeur. Je sursaute et tourne la tête. Paul m’interroge avec un regard sévère et je sens un « qu’est-ce que tu fous, bordel ? » pointer le bout de son nez. La mort dans l’âme, je romps le contact, mais mes yeux restent rivés sur ce cou dont je scrute chaque parcelle à la recherche d’une logique à ce phénomène.

Soudain, la porte de la salle s’ouvre, elle apporte un air frais salutaire et me donne l’occasion de remonter à la surface, reprendre le contrôle de mes émotions. Une manière efficace d’écourter cet instant chronophage où j’ai négligé mon rôle ; chaque seconde compte dans cet examen.

Pause repas dans deux minutes ! scande une voix féminine à la volée.

Je suis surprise, cette première matinée s’est écoulée à une vitesse folle. Cette pause et la climatisation du restaurant vont me permettre de retrouver mes esprits et calmer mes ardeurs. La sensation des vêtements qui adhèrent à ma peau est désagréable ; un détour pour me rafraîchir s’impose.

J’entre dans ce lieu intimiste réservé aux dames et me place devant un lavabo. Sans préavis, le miroir me colle une bonne claque : il me renvoie ma tête de petite brune maquillée à l’arrache ce matin, faute de temps. Ses beaux yeux bleus fatigués lui indiquent clairement d’arrêter de passer ses soirées à mater des séries pour oublier qu’elle est seule. La sueur n’arrange rien non plus. Waterproof, mon il, oui ! Je me penche et me mouille le visage pour effacer toute trace de ces délits. Tu rêves, ma fille, c’est en pure perte !

Mon entrée dans le self est un vrai bonheur tant la température y est agréable. Même si j’ai la faim au ventre, ma cible prioritaire reste ma charmante candidate. Une idée fixe gravée dans mon esprit depuis « l’incident ». Je balaye le lieu du regard. La salle d’une centaine de places est au trois quarts pleins, mais sa taille au-dessus de la moyenne constitue un atout non négligeable et il ne me faut pas longtemps pour la localiser près des baies vitrées. Je vais enfin connaître autre chose que son cou et peut-être avoir l’occasion d’étancher ma soif de réponses.

Je peux m’asseoir ? questionné-je d’une petite voix.

La bouche pleine, elle lève les yeux, étonnée et acquiesce d’un mouvement de tête. Timidement, je me pose à demi sur ma chaise en essayant de rester la plus droite possible. Mon plateau avec son unique assiette de salade composée fait pâle figure comparé au sien, chargé d’un menu complet.

Julie Prévert.

Mariam Le Guennec, répond-elle entre deux mastications.

J’ai franchi la première étape, mais à ma grande surprise, ma compagne de table retourne pourfendre à grands coups de fourchette tous aliments à sa portée. Elle met à mal mon espoir qu’elle entame la conversation la première. Un gros doute m’envahit, ai-je eu raison de m’asseoir ici ? Au premier abord, nous n’avons rien en commun. Comme d’habitude, j’ai été trop vite. J’ai laissé ce foutu instinct décider sans réfléchir une minute, victime de mon impatience chronique et de mes pulsions, me dirait Paul d’un ton sévère. Alors, maintenant autant que je me taise, cela m’évitera de passer pour une andouille. Je dois laisser les choses se faire na-tu-relle-ment.

Le hic, c’est ce sentiment de déjà-vu qui me chiffonne. Nous sommes-nous croisées par le passé ? J’ai la furieuse impression que oui, mais impossible de me souvenir du lieu ni du moment. La Fac aurait été une bonne idée, si nous n’avions pas dix ans d’écart. Ou alors, en boîte ! Lors d’une de mes sorties nocturnes et dans ce cas, c’est très délicat de lui en parler, surtout si… je n’ose pas y penser, trop tard, des images de corps mêlés et de râles de plaisirs surgissent dans mon esprit, je vais encore me ruiner un string. Pourtant un physique pareil ne s’oublie pas : un nez fin, une bouche pulpeuse, des pommettes remontées, des yeux d’un noir intense et une coupe afro avec des ondulations ; le tout bien posé sur un cou fin et un corps de rêve moulé dans un petit débardeur à bretelles. Une vraie figure de magazine de mode. Je suis admirative et son côté sexy au naturel me subjugue. Moi, comment serai-je dans dix ans ?

Brusquement, Mariam lève la tête et me dévisage. Gênée, je croise les jambes comme si cela pouvait stopper mon excitation grandissante.

Quelque chose ne va pas ? questionne-t-elle, étonnée par mon inertie.

Non, enfin si, excuse-moi, je… j’adore ta coupe !

Prise de cours, j’ai bafouillé une réponse au hasard, mais mon explication n’est pas crédible pour un sou. Elle va me prendre pour une gamine, mais l’attaquer direct pour savoir où elle passe ses nuits de libertinage et si mon contact ne lui fait pas mouiller sa petite culotte ne serait pas mieux. Mal à l’aise, j’évite son regard et plonge dans mon assiette. J’ai vraiment le chic pour gâcher mes entrées.

C’est dur à coiffer certains matins ; par contre, vu ta nature de cheveux, tu devras attendre quelques mois pour espérer la même !

Cette remarque est la bienvenue. J’émets un petit rire gêné. À moi de rebondir et de trouver quelque chose pour changer de sujet. L’anneau présent à son doigt est une sortie inespérée.

Tu es mariée ? demandé-je, l’air faussement détendu.

Non, c’est juste pour que l’on me fiche la paix, ça éloigne les lourdingues. Le prince charmant qui me l’a offert s’est barré avant la naissance de ses filles.

Aïe ! pourquoi ai-je posé cette question, moi ? J’ai l’impression que c’était le sujet à éviter et j’ai plongé dedans la tête la première. Je suis vraiment la reine de la gaffe quand il s’agit de communiquer. La bouche ouverte comme un poisson hors de l’eau, j’ai une envie soudaine de disparaître dans un trou de souris.

Ne t’inquiète pas, reprend-elle avec un grand sourire, ta question ne me dérange pas. Tu sais, en y réfléchissant bien, cela n’a jamais empêché d’être draguée.

Ouf, sa réponse me soulage, évacuant au passage une partie de la honte qui s’immisçait en moi. Sans attendre, mon interlocutrice repart à l’assaut de son assiette.

Pourquoi le gardes-tu, alors ?

Je ne sais pas. Peut-être pour me rappeler de ne pas accorder trop facilement ma confiance aux hommes.

Tu as bien raison, rétorqué-je pour appuyer ma remarque. Ici, j’ai pas mal joué des coudes pour que l’on me fiche la paix. Tu as combien d’enfants ?

La maman se redresse et attrape son mobile.

Deux ados de 14 ans, tiens, regarde ! répond-elle fièrement.

Avec un grand sourire, elle me présente une photo de deux jeunes filles sur une plage, belles comme des curs.

C’était une grosse responsabilité, non ?

C’était surtout une bêtise, pour être polie. On était deux idiots en fin d’études et j’étais folle de lui. Mon amoureux transi a coupé les ponts dès que je suis tombée enceinte et en parfait gentleman, il a quitté la région pour fuir ses responsabilités.

Cette femme me fascine, nos vies sont pourtant à des années-lumière l’une de l’autre. Moi, petite célibataire parisienne de vingt-six ans avec un quotidien bien pauvre, des problèmes domestiques insignifiants. Mes journées au bureau, le soir sur mon vieux canapé à mater des séries et en boîte le week-end pour satisfaire mes pulsions. Une sorte d’ado qui n’aurait pas évolué depuis la fac. Un coup de blues me tombe sur le crâne comme un constat sans appel : ma vie est nulle.

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