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Mad – Chapitre 19

Mad - Chapitre 19



Chapitre 19 : La vie reprend son cours

Le cercueil de Joachim descend lentement sous terre. Samantha Gerald fait tout pour retenir ses larmes. Elle en a assez de pleurer. Heureusement, la présence de son père et de tous ses proches lui est d’un grand réconfort. Après les derniers mots pour dire adieu à son fiancé une fois pour toutes, le cimetière commence à se vider.

Le soleil brille haut dans le ciel et, après Kathy, c’est son père que Sam serre une dernière fois dans ses bras avant qu’il ne rentre chez lui. Jyrall s’approche à son tour d’elle pour lui témoigner son soutien. Leur accolade est réconfortante aussi bien pour l’un que pour l’autre. Les derniers évènements, ils les ont affrontés à deux ; et sans l’autre, aucun des deux n’aurait peut-être tenu le coup.

Tu veux que je te raccompagne chez toi ? Cela ne me dérange pas

Non, ça ira, répond-elle. Ne t’inquiète pas pour moi. Va retrouver ta fille, elle a besoin de toi.

D’accord, reconnaît Jyrall, mais appelle-moi si tu as besoin de quoi que ce soit, même juste pour discuter. N’hésite pas !

Compte sur moi, lui sourit-elle légèrement.

La vie reprend son cours et Jyrall compte bien retrouver un semblant de calme. L’enquête qui doit déterminer son rôle dans l’évasion d’Aymeric Dumas suit toujours son cours. Tous ses collègues et ses supérieurs ont mis en avant dans leurs témoignages sa droiture et son professionnalisme. « Il ne peut qu’avoir agi sous la contrainte. » affirment-ils tous. Son avocat est très confiant : selon lui, il retrouvera bientôt une vie normale et son poste.

Stéphane Jyrall ne l’a encore annoncé à personne, mais il compte de toute façon poser sa démission. Il a vu assez d’horreurs durant sa longue carrière et souhaite maintenant une vie posée qu’il pense mériter. Il se sent aussi coupable vis-à-vis de sa fille, estimant que s’il avait été plus présent pour elle, il aurait pu éviter ce qui lui est arrivé. Il ne compte pas refaire deux fois la même erreur. Surtout qu’avec ce qu’elle a vécu, elle va avoir énormément besoin de lui.

Elle est sortie de l’hôpital il y a à peine deux jours. Ses longues cicatrices lui dessinent encore un sourire macabre. Elle a assuré qu’elle allait bien, même si elle pleure le soir quand elle se retrouve seule dans sa chambre, et ce quand elle ne hurle pas dans son sommeil. Elle refuse cependant d’en parler. Sous les conseils de Samantha, Stéphane a préféré prendre un rendez-vous avec un psychologue pour sa fille. Avec un professionnel, elle acceptera peut-être de s’ouvrir un peu plus. Et puis il lui faut du temps pour s’en remettre, c’est normal. En tout cas, Jyrall a hâte que tout ça soit de l’histoire ancienne, que sa fille et lui retrouvent la joie de vivre.

Lui n’est pas resté longtemps à l’hôpital, sa blessure au bras étant plus superficielle qu’elle n’en avait l’air. Le bras en écharpe, il ne peut cependant conduire, devant compter sur les transports en commun pour se déplacer.

À son retour à la maison, Fanny est assise sur le canapé en train de regarder d’un air absent une émission de télévision. Elle lui sourit et accourt pour se réfugier dans ses bras. Il la serre fort contre lui, heureux de pouvoir encore faire ce geste.

Tu vas bien ? Je n’ai pas été trop long ?

Oui papa, je vais bien. Rassure-toi, tout s’est bien passé.

Ouah, mais dis donc, tu sembles avoir sorti le grand jeu, réagit-il, soudain admiratif. Tu es magnifique, ma parole !

Oh, merci papa, sourit-elle. J’avais envie de me faire belle. Tu aimes vraiment ?

Bien entendu. Je suis fier d’avoir une fille aussi jolie.

Jyrall ne peut qu’en être satisfait. Pour lui, c’est signe qu’elle ne se laisse pas abattre et qu’elle veut retrouver sa vie d’avant. C’est la jolie robe d’été que sa mère lui avait offerte juste avant de se barrer à l’étranger avec un autre homme qui lui accordait un peu plus d’attention.

Dis, ça te dirait une soirée pizza ? propose-t-il. Ça fait longtemps, non ?

Elle lève un regard malicieux vers lui.

Pizza jambon-ananas ?

Évidemment. Il faudrait juste qu’on fasse quelques courses avant.

Oh… fait-elle, gênée. OK, je t’attends ici alors.

Tu es sûre que tu ne veux pas venir avec moi ? Ça te ferait du bien de sortir.

Papa… soupire-t-elle, les yeux bas. Je… c’est trop tôt.

Il n’insiste pas pour ne pas la brusquer, mais il faudra bien qu’elle affronte un jour le regard des autres. Il se met donc en route et prend rapidement au supermarché le plus proche ce dont il a besoin. Ce coup-ci, assoupie, elle ne l’entend pas rentrer. Il la réveille en posant une main sur son épaule. Elle sursaute en poussant un petit cri effrayé ; il s’excuse et lui demande si elle veut l’aider dans la cuisine. Encore à moitié endormie, elle baragouine quelque chose d’incompréhensible. Son père ne cherche pas à comprendre et la laisse se reposer. Si elle veut l’aider, elle viendra.

C’est l’odeur de pizza s’échappant du four qui réveille la jeune femme une seconde fois. La voilà qui pointe timidement le bout de son nez. Elle observe son père avec une lueur étrange dans le regard. Jyrall lui sourit tandis qu’il met la table pour deux.

Papa, est-ce que tu m’aimes ? demande-t-elle d’une voix étranglée.

« Quelle question bizarre ! » s’étonne Stéphane. Pourquoi cette interrogation alors que la réponse est évidente ? A-t-elle besoin d’être rassurée après tant de malheurs ?

Bien sûr, ma chérie !

Et il l’enlace comme il le faisait lorsque, petite, elle était prise d’un gros chagrin. Fanny se serre avec force contre lui. Jyrall est heureux de pouvoir sentir encore le corps chaud de sa fille entre ses bras ; il a eu tellement peur de la perdre

Papa, moi aussi je t’aime. Oh, papa, je ferais tout pour toi. Je vais être ta petite fille modèle et serviable. Demande-moi n’importe quoi, je réaliserai le moindre de tes désirs.

Se frotte-t-elle contre lui ? Non, impossible : Stéphane doit avoir mal interprété son geste. Elle cherche juste son contact pour se rassurer, c’est évident, voyons ! Quoi qu’il en soit, mal à l’aise, il met fin à leur étreinte.

Ma chérie, je ne désire qu’une chose : que tu sois heureuse.

Fanny sourit timidement et baisse les yeux. Jyrall a cru lire une pointe de déception dans son regard. Non, il doit se tromper une nouvelle fois.

La pizza est cuite, passons à table !

Oui, papa.

Le repas se fait dans la bonne humeur. Fanny rit gentiment aux blagues de son père et à leurs souvenirs communs. Elle semble beaucoup plus détendue que les jours précédents ; Stéphane s’en félicite. Mais il y a toujours cette lueur étrange qui brille parfois dans son regard, cette lumière sombre que Jyrall ne parvient pas à analyser correctement, comme si elle était ailleurs, que son esprit s’échappait vers d’obscurs rivages. « Bah, elle doit encore avoir besoin de temps » se rassure-t-il. « Encore quelques jours et elle sera redevenue la jeune et fougueuse Fanny qu’elle était avant. »

La soirée se poursuit calmement, et après un film, Fanny décide d’aller se coucher. Après avoir fait la bise à son père pour lui souhaiter une bonne nuit, elle disparaît dans le couloir. Quant à lui, il décide de traîner un peu sur le net avant de trouver le sommeil.

C’est une heure plus tard qu’il entend des rires provenir de la chambre de sa fille. Intrigué, il s’approche doucement et colle son oreille à sa porte. Il l’entend parler. Pas assez fort pour que cela soit compréhensible, mais il est sûr qu’elle tient une conversation avec quelqu’un. Est-elle au téléphone ? Avec une amie peut-être ? Si c’était le cas, Jyrall en serait plus qu’heureux. Il est prêt à tout pour soutenir sa fille dans cette épreuve, mais il sait qu’il ne pourra pas tout faire lui-même. Si Fanny reprend contact avec quelqu’un d’extérieur au foyer, c’est plutôt bon signe.

Satisfait, il retourne dans sa chambre devant son ordinateur. La vie reprend enfin son cours et une ancienne envie se fait soudain ressentir : le désir, en berne depuis l’horrible jour où l’on a défiguré son ange, renaît doucement. Il se redresse avec son membre. Jyrall se dit qu’un petit plaisir solitaire lui ferait le plus grand bien. Il se connecte sur un récit érotique afin de se stimuler davantage, et il ne lui faut que quelques minutes pour atteindre un orgasme libérateur.

Après ça, il s’écroule dans les bras de Morphée et se réveille le lendemain après un sommeil réparateur. Il retrouve sa fille dans la cuisine en pleine préparation du petit-déjeuner. Elle n’est vêtue que d’une légère chemise de nuit. Jyrall ne peut s’empêcher de la trouver ravissante dans cette tenue. Elle ferait tomber bien des curs !

Il lui propose de prendre le relais mais elle refuse et lui ordonne de s’asseoir. Il n’insiste pas et lui obéit, se contentant de l’observer faire avec un léger sourire. La voilà qui danse pendant sa préparation et qui chantonne une petite musique, une sorte de berceuse qu’il n’a jamais entendue. Elle semble tellement rayonnante

Ce sont des pancakes qu’elle prépare. La cuisson lui fait monter l’odeur au nez et lui ouvre l’appétit. Cela fait une éternité qu’il n’en a pas mangés. À l’époque, c’était son épouse qui les préparait, et il adorait ça ; mais depuis le départ de sa conjointe, personne n’en avait cuisinés.

Fanny lui sert une belle assiette sous une épaisse couche de miel et se prend la même chose. Elle décide de déguster son plat assise sur les genoux de son père. Surpris, Stéphane la laisse faire. Elle était loin d’être une femme quand elle avait l’habitude de s’installer ainsi ; et puis un jour, d’un coup, elle avait décidé qu’elle était trop grande pour ça.

Mais petite, elle se contentait des genoux. Aujourd’hui, elle réclame toutes les cuisses et se colle bien à lui. Le parfum de Fanny le même que portait sa femme lui envahit les narines et lui remémore d’anciens souvenirs de bonheur. Les fesses de la jeune femme appuient sur son membre et réveillent légèrement son sexe par réflexe. Jyrall est pris d’un sentiment de honte et repousse toute pensée potentiellement tendancieuse en détournant son attention sur son repas.

Dis-moi, ma chérie, juste par curiosité, cette nuit, avec qui discutais-tu au téléphone ?

Quoi ? De quoi parles-tu, papa ?

Je t’ai entendue rire et discuter ; tu étais sans doute au téléphone.

Mais non, je n’ai rien fait de tel ; je me suis endormie tout de suite.

Je suis pourtant sûr de t’avoir entendue…

Elle se lève d’un coup, comme vexée, et va jeter le reste de son repas à la poubelle. « Je ne suis pas fou ; je l’ai bien entendue rire. Alors pourquoi affirme-t-elle le contraire ? Et pourquoi réagit-elle ainsi ? » s’étonne son père. Il décide de ne pas insister et de la laisser tranquille tandis que Fanny se sauve en affirmant aller s’habiller. L’homme finit son repas dans le silence.

Le reste de la journée passe à une vitesse folle, le programme de Jyrall étant chargé entre un entretien avec son avocat, quelques soucis administratifs à régler, et deux ou trois bricoles à la maison. La journée est aussi ponctuée par un coup de fil de Samantha Gerald. Seule chez elle, elle supporte mal la solitude et avait besoin de parler. Les deux collègues restent une bonne heure au téléphone.

Si tu souhaites voir du monde, n’hésite pas à passer à la maison, à n’importe quelle heure. La porte te sera toujours ouverte, Sam ! conclut Jyrall.

Merci.

Fatiguée, Fanny se couche de bonne heure. Tout comme elle, son père la suit peu de temps après. Malgré tout, son sommeil peine à venir. Les derniers évènements tournent en boucle dans son esprit à cause de ses conversations avec son avocat et Samantha. Il parvient à s’endormir après trois heures.

Un hurlement. Jyrall se réveille d’un bond. C’est Fanny. Il se précipite par réflexe au chevet de sa fille. Il la trouve en train de se débattre dans son lit contre une force invisible. Il la secoue pour la réveiller complètement. Les yeux de la jeune femme s’ouvrent. Elle semble déboussolée et terrifiée, mais se rassure à la vue de son père. En pleurs, elle se jette dans ses bras.

Il était là ! Il était là ! sanglote-t-elle.

Ce n’est rien, ce n’était qu’un cauchemar, tente-t-il de la calmer. Il n’y a personne ici, juste toi et moi.

Stéphane met un bon quart d’heure à aider sa fille à retrouver son calme. Il l’a rarement vue dans cet état. Elle a déjà fait des cauchemars depuis son retour, mais ils ne l’avaient jamais terrifiée à ce point. Il la tient fermement dans ses bras. Elle est encore toute tremblante.

Tout cela, c’est fini, ma chérie. Tu es en sécurité, tu n’as plus rien à craindre. Bon, allez, je vais te laisser. Rendors-toi maintenant.

Il lui dépose un petit baiser sur le front et se lève, prêt à regagner sa chambre. Elle le retient en lui agrippant le poignet.

Papa… je sais que je suis grande, mais… pourrais-je dormir avec toi cette nuit ? Je préférerais…

Elle l’a demandé avec une voix fluette, signe qu’elle est encore toute chamboulée. En temps normal, Jyrall aurait refusé, mais la situation est loin d’être normale. Sa fille a vécu un enfer et a besoin de réconfort ; il ne va pas la repousser alors qu’elle demande son soutien.

Arrivés dans la chambre, Jyrall a la surprise de voir sa fille enlever sa robe de chambre. Elle se retrouve maintenant vêtue uniquement d’une culotte. Elle qui était auparavant très pudique, la voilà qui laisse ses apparats exhibés devant son père sans presque aucune gêne.

On risque d’avoir trop chaud à deux, se justifie-t-elle devant le regard interloqué de son père. Cela te dérange ?

Euh… non, fais comme tu veux. Mets-toi à l’aise.

Déranger ? Il ne sait pas si le terme est exact. Objectivement, elle est devenue une magnifique et désirable femme. Une telle tenue réveillerait l’appétit de nombreux loups lubriques qui n’hésiteraient pas à profiter de cette âme fragile, mais dans son cas, c’est sa fille. Alors il ne risque pas de dépasser les limites. Elle a confiance en lui, c’est pourquoi elle se met à l’aise, c’est tout ! Et puis ce serait hypocrite de lui dire de se couvrir plus alors que lui ne dort qu’en caleçon.

Ils s’allongent tous les deux, et très vite Fanny vient coller son buste à celui de son père et réclame d’être enlacée. Jyrall sent la peau de sa fille frémir et ses membres tressauter légèrement. Elle est sûrement encore sous le choc de son terrible cauchemar.

Oh, papa, c’était horrible ! finit-elle par se confier à voix basse. Elle était là sur moi, cette chose affreuse, sombre, mauvaise, cette créature humanoïde faite d’ombre. Elle me maintenait les poignets pour que je ne puisse pas me débattre, et de son autre main griffue elle me lacérait le visage. Et son rire Son rire résonnait partout dans la chambre et résonne encore au plus profond de mes entrailles. J’étais prisonnière, incapable de m’enfuir, de me réveiller.

Ne t’inquiète pas, ma chérie, papa est là ; je serai toujours là pour toi. Tu peux dormir en paix.

Oh, papa, merci pour tout. Je ferai tout ce que tu désires si tu me le demandes…

Encore ? Bizarre qu’elle insiste encore là-dessus. Que croit-elle qu’il puisse bien attendre d’elle ?

Elle se serre contre lui, la poitrine écrasée contre son torse. Jyrall sent le cur de sa fille s’apaiser. Et voilà, Fanny a regagné le sommeil. Stéphane tente de prendre un peu de distance, histoire d’avoir plus d’espace pour lui ; mais malgré son sommeil, sa fille ne met pas une minute pour venir retrouver sa place.

« Bon, qu’il en soit ainsi, se résigne-t-il. Je suis prêt à tous les sacrifices pour le bien-être de ma fille. Ha ha, avoir sa fille près de soi, tu parles d’un sacrifice, mon vieux ! »

Et il s’endort à son tour, bercé par le doux parfum des cheveux de Fanny.

Son esprit vogue dans un univers onirique où Samantha est prise d’envies coquines. Ils ne sont que tous les deux, allongés face à face sur une plage de sable blanc. Tout est si paisible, pas d’horrible meurtre à l’horizon, de fille défigurée, de fiancé assassiné ni d’enfant enlevé. Ils sont seuls tous les deux sans qu’aucun nuage n’obscurcisse le ciel.

Le visage de Sam plonge vers l’entrejambe de Jyrall. Il sent son sexe rigide être avalé par une bouche gourmande. Il pousse un soupir de plaisir. Samantha a toujours su y faire.

J’aimerais que cet instant dure toujours

Samantha arrête sa fellation et lui sourit tandis que sa main continue à lui donner du plaisir. Jyrall lui sourit aussi. C’est dingue, il ne l’a jamais trouvée aussi belle qu’en cet instant.

Pourtant, il va falloir se réveiller, mon amour.

Amour ? Il n’a jamais été question d’amour dans leur relation, et pourtant Jyrall ne peut s’empêcher de trouver magnifique la sonorité de ce mot prononcé par la voix de Samantha.

Pourquoi se réveiller maintenant ? Je me sens si bien

Tu le sais pourtant. Ce n’est pas encore fini. Nous n’avons pas encore vaincue l’ombre. Elle en a après toi.

L’ombre ? Mais de quoi parles-tu ?

Le vent se lève, les vagues se déchaînent et le ciel s’obscurcit soudain. Le paisible rêve vire en un instant en cauchemar. L’orage rugit dans le ciel. Jyrall y croit entendre un rire sinistre s’y mêler.

Appelle-moi Stéphane. Tu auras besoin de moi. Tu peux compter sur moi…

Jyrall se réveille d’un bond. Il s’assoit. Merde, c’était quoi ce cauchemar étrange ? Et cette histoire d’ombre ? Le cauchemar de sa fille a dû déteindre sur ses rêves. Et puis son côté pessimiste s’est mêlé au rêve en l’influençant, tout simplement. « Mais tout est bel et bien fini. » se rassure Jyrall : Aymeric Dumas et Madeline Kalst sont tous deux bel et bien décédés ; ils ne peuvent plus rien leur faire, à sa fille et lui.

Papa ? réagit Fanny, la voix encore à moitié endormie. Qu’est-ce qu’il se passe ?

Ce n’est rien, ma chérie, juste un petit cauchemar. Rendors-toi.

La lumière filtre à travers les volets de la chambre. Vu l’intensité, le soleil doit être levé depuis un petit moment. Mais rien ne sert de se presser aujourd’hui : il n’y a rien de prévu. Et puis il a encore sommeil, alors autant suivre le conseil qu’il a donné à sa fille et se rendormir. Il se rallonge.

Fanny réagit au quart de tour et vient se coller à lui.

Attends ! lâche-t-il trop tard.

La partie érotique de son précédent rêve a en effet réveillé ses ardeurs : Jyrall a le sexe bandé, sexe contre lequel Fanny vient de plaquer ses fesses. Elle lâche un « Oh » de surprise. Mal à l’aise qu’elle le découvre dans cet état, Stéphane tente de bredouiller une excuse.

Ce n’est rien, papa, veut-elle le rassurer. Cela ne me dérange pas. Prends-moi dans tes bras, s’il te plaît.

Non, avoir son sexe bandé le long du cul de sa fille, Jyrall ne peut accepter cela. Il tente de se décoller mais Fanny ne lui laisse pas le choix et se colle de nouveau à lui, puis elle lui prend la main, la colle sur un de ses seins et frotte son séant le long de son père.

Vas-y, papa, tu peux y aller, je ne dirai rien. Je serai ta petite fille sage. Je te laisserai me faire tout ce que tu veux. Je réaliserai tous tes désirs.

Réaliser tous ses désirs ? Voilà la troisième fois qu’elle lui fait une telle proposition ; c’était donc cela qu’elle avait en tête ? Jyrall est soudain pris de nausée. Comment la chair de sa chair a-t-elle pu s’imaginer qu’il était prêt d’exiger cela d’elle ? Qu’a-t-il pu faire de mal pour qu’elle croie qu’il était ce genre de père irresponsable, égoïste et odieux ? Il la repousse d’un coup ; il doit mettre fin à cette folie sur le champ !

Arrête ça tout de suite, Fanny ! Je ne suis pas ce genre d’homme.

Il se lève du lit et recule de plusieurs pas en manquant de trébucher à cause du pied de son bureau. Fanny se redresse dans le lit. L’expression qui anime ses yeux, son père ne l’a jamais lue. Elle est comme possédée.

Allons, papa, je sais bien que tu en as envie. Tu me mentirais si tu disais le contraire. Maman est partie depuis longtemps maintenant et tu ne t’es jamais remarié. Depuis combien de temps une femme ne t’a-t-elle pas donné du plaisir ? Tu mérites de jouir toi aussi. Je suis ta fille et je t’aime. Je peux faire ça pour toi…

Tais-toi ! Tu es folle ! C’est mal, c’est dégoûtant…

Pourquoi ? Laisse donc la morale au commun des mortels. Nous sommes différents, toi et moi : nous sommes plus forts qu’eux, nous pouvons nous affranchir de ces règles inutiles. Je suis prête, papa ; je ferai tout ce que tu voudras : je te sucerai, j’avalerai, et tu me baiseras et enculeras encore et encore. Je serai ton jouet. Je l’ai déjà fait ; je saurai comment faire…

Non ! Non ! NON ! Jyrall ne veut pas entendre ces horreurs sortir de la bouche de sa petite Fanny. Elle n’était encore qu’une enfant il n’y a pas si longtemps de ça, et voilà maintenant qu’elle lui propose les pires lubricités !

Je sais que tu as souffert, mon cur, avec tout ce qui s’est passé, la coupe-t-il, mais crois-moi : ce que tu me proposes n’arrangera pas ton mal-être. Cela ne pourra qu’aggraver la situation. Crois-moi, j’ai enquêté sur des tas d’affaires liées à l’inceste, et ça n’a jamais rien donné de bon. Je ne peux m’imaginer à aucun moment t’entraîner sur cette voie.

Bien. Jyrall a réussi à la faire taire. Le regard de la jeune femme a changé. Elle semble réfléchir. Avec un peu de chance, elle va retrouver la raison et abandonner cette folie. Mais son optimiste est très vite malmené par l’air sombre qu’affiche maintenant Fanny.

C’est à cause d’elles ? Des cicatrices ? Je te dégoûte, c’est ça ? Je te fais vomir ? J’ai l’air d’un monstre ?

Arrête, Fanny, ne dis pas de bêtises ! Tu es une jeune femme magnifique, et aucune cicatrice ne changera rien à ça.

Alors pourquoi tu ne me touches pas ? crie-t-elle soudain. Il le faut ! Je dois me donner à toi !

Et, complètement hystérique, elle hurle des propos de plus en plus confus et insensés. Jyrall, dépassé par la situation, tente de la prendre dans ses bras pour la calmer mais elle se débat, le frappe, le griffe. C’est un animal enragé qu’il tente d’apprivoiser sans succès. Elle pleure maintenant des larmes intarissables. Stéphane ne sait plus que faire pour arrêter passer la crise.

Il le faut! répète-t-elle, enragée. Tu dois me prendre !

Non, je ne dois rien faire, et toi non plus tu ne me dois rien.

Si, il le faut, papa ; ça fait si mal, je me sens si seule Je ne supporte pas, je ne suis pas assez forte pour ça. Je n’y arriverai pas. Il le faut ! Je dois devenir plus forte !

Et tu crois qu’en couchant avec moi tu seras plus forte ? Allons, Fanny, c’est ridicule !

Qu’est-ce que t’en sais ? le repousse-t-elle violemment. C’est comme ça qu’elle est devenue plus forte, c’est comme ça qu’elle a appris à survivre. Alors, pourquoi pas moi ?

Elle ? Mais de qui parles-tu ?

Elle ne lui répond pas et s’enfuit de la chambre. Jyrall est de plus en plus inquiet. Il a peur de connaître déjà la réponse à sa question, et l’idée que sa fille puisse prendre exemple sur cette personne lui fait froid dans le dos. « Non, il doit y avoir une autre explication. » tente-t-il de se rassurer

Il enfile un pantalon et part à la rencontre de sa fille. Il doit mettre au clair cette histoire et la calmer tout de suite avant que cela empire. Il entend du bruit dans la cuisine ; il entend la voix de sa fille mais il ne comprend pas ses propos. Prêt à entrer dans la pièce, voilà qu’il la surprend à rire dans cette situation. Ce rire incongru lui glace le sang !

Mais c’est une Fanny apaisée qu’il trouve en entrant. Face à la table, elle lui tourne le dos. Il n’ose pas trop s’approcher pour ne pas la brusquer. Plutôt tenter de rouvrir le dialogue.

Elle a toujours su ce que j’avais à faire, papa ; ma princesse m’a toujours guidée pour que j’apprenne à être assez forte. Elle m’a poussée à faire tout ce qui était nécessaire, même quand je ne voulais pas. Sans elle, je serais morte ; j’aurais sauté d’un pont parce que j’étais trop faible !

Quoi ? répond son père d’une voix terrifiée. Ne dis pas n’importe quoi !

C’est pourtant vrai, papa ! J’étais amoureuse d’une amie d’une camarade de promo. Cette fille n’était pas de mon école. On se voyait quand on sortait en groupe. Ma timidité me dévorait, j’avais peur de sa réaction, mais j’ai pris mon courage à deux mains pour lui avouer mes sentiments. Elle a été surprise au début mais ne m’a pas repoussée. Elle m’a même proposé un rendez-vous. Je croyais que ça allait marcher, que j’allais pouvoir enfin être heureuse et m’accepter comme j’étais, mais ce n’était qu’un piège. Elle a juste cherché à m’humilier devant tout le monde et à m’insulter : « Tu pensais vraiment que j’allais jouer la gouinasse avec toi ? Tu me dégoûtes, sale dégénérée ! » J’ai été moquée, insultée, harcelée par des garçons qui fantasmaient de se taper une lesbienne et j’ai voulu en finir une fois pour toutes. Alors oui, j’étais vraiment prête à sauter…

Mon cur, j’ignorais tout ça. Pourquoi n’en as-tu jamais parlé ?

… et c’est là que ma princesse est venue à moi, poursuit Fanny sans répondre à la question de son père. Elle m’avait repérée depuis longtemps et me surveillait. Je l’avais remarquée aussi mais je n’étais pas prête à aborder une inconnue, bien qu’elle me plaisait. Elle m’a convaincue de ne pas sauter. Elle a dit qu’elle me montrerait comment devenir plus forte et qu’elle m’aiderait à faire payer tous ceux qui m’ont fait du mal. Jour après jour, elle m’a poussée à me laisser aller, à me donner corps et âme à elle, et je suis tombée amoureuse d’elle comme je n’avais jamais aimé personne. Je l’ai laissée me mener sur la voie qu’elle avait tracée pour moi, même si cela me terrifiait. J’ai obéi à tous ses souhaits comme une esclave et je l’ai aidée à remplir ses objectifs car je ne souhaitais que son bonheur, et parce qu’elle seule savait ce que je devais faire pour apprendre à survivre.

Et qu’est-ce qu’elle t’a fait faire ?

Cette question lui brûlait les lèvres, mais la réponse le terrifie d’autant plus. Jyrall craint le pire.

Elle m’a donné à son am… Oui, c’est ça ! réalise soudain Fanny. Ma princesse a toujours su ce que je devais faire. Elle a toujours pensé à tout. C’est pour ça qu’elle m’a poussée à le laisser faire tout ce qu’il voulait, même si c’était contre mon orientation sexuelle. Elle n’attendait pas que ce soit toi qui fasse de moi ce qu’elle était, qui m’aide à franchir le cap : c’est lui qu’elle a choisi pour cette mission. Mon Dieu, j’ai douté d’elle, cru qu’elle m’avait abandonnée après sa mort, mais elle avait tout arrangé avant ça. J’avais déjà toutes les cartes en main. J’étais prête… mais pourtant j’ai échoué. J’ai été incapable d’obéir à son dernier ordre : j’ai été incapable de te tuer. Comme j’ai dû la décevoir…

Plus de doute là-dessus ; Jyrall ne peut plus se voiler la face : sa fille parle bien de Madeline Kalst. Découvrir maintenant que sa fille a eu une relation avec cette folle et que cette dernière lui a retourné le cerveau lui fait l’effet d’une bombe. Son monde s’écroule. Comment a-t-il pu rester aussi aveugle, lui, le brillant enquêteur ? Il n’a pas su voir ce qui se jouait sous son nez. Il a cherché longtemps à remettre la main sur Madeline Kalst tandis qu’elle détruisait peu à peu mentalement sa petite Fanny. Quel crétin il a été ! Il comprend mieux le rire d’Aymeric Dumas quand il a appris que Madeline avait enlevé Fanny. Aymeric le savait déjà : Jyrall ne pouvait plus sauver sa fille, c’était trop tard, et ce depuis bien longtemps. TROP TARD !

NON ! Jamais Jyrall n’acceptera de baisser les bras. Oui, Madeline a perverti le cerveau de sa fille, mais il ne doit pas être trop tard pour réparer les dégâts. Ce ne sont que des mots ! Fanny n’a rien fait de compromettant. Bon, elle s’est laissée abuser par Aymeric Dumas, mais ce n’est pas irréparable. Il faudra du temps, certes, mais Stéphane est sûr de pouvoir arranger les choses. Mais pour ça, il faut qu’il reste auprès de sa fille, peu importe ce qu’elle a fait.

Il s’avance près d’elle pour la prendre dans ses bras et ainsi lui prouver son soutien, mais au dernier moment Fanny se retourne. Jyrall a juste le temps de lire de la noirceur dans son regard avant de sentir une lame s’enfoncer dans son ventre. Il hurle de douleur, recule de plusieurs pas et tombe sur le sol après avoir trébuché. Fanny, à moitié choquée par son geste et à moitié satisfaite, se tient debout devant lui, le couteau ensanglanté à la main.

Oui, j’ai dû la décevoir. Et lui aussi je l’ai déçu. C’est peut-être pour cela qu’il m’a découpé les joues. Il m’a punie parce que je n’ai pas été assez forte ! Mais je suis prête maintenant, et je vais accomplir leur volonté à tous deux !

Non, arrête ! la supplie Jyrall. Je t’en prie

Tu as tué ma Princesse, papa, et tu crois que je vais te pardonner ? C’est toi qui lui as tiré dessus. Tu m’as enlevé la seule personne à laquelle je tenais vraiment.

Le regard de Fanny indique qu’elle ne fera pas marche arrière. Elle a complètement perdu l’esprit. Impossible de lui faire retrouver la raison. Paniqué, Jyrall parvient à se remettre sur pieds et à prendre la fuite, mais dans son état il ne peut aller bien vite.

Le plus urgent : arrêter le saignement. Il s’enferme dans la salle de bain et ouvre la trousse de premiers secours. Fanny tente d’ouvrir mais le verrou l’en empêche. Un cri de rage retentit.

Allons, papa, laisse-moi entrer pour qu’on en finisse. Je te promets que ce sera rapide ; tu ne souffriras pas. Ça aussi je l’ai déjà fait ; je saurai comment faire !

« Elle a déjà… tué ? Non ! Quelle horreur ! » Jyrall ne peut en croire ses oreilles. Pas sa fille, c’est impossible !

Madeline me l’a laissée, celle-là. Je l’avais aidée à trouver les deux autres, mais celle-là, ma Princesse a dit qu’elle était pour moi. Alors je l’ai saignée comme une chienne, tu sais, cette pétasse qui m’a humiliée et insultée devant tout le monde. Elle n’a eu que ce qu’elle méritait : une lame en plein cur !

C’est un véritable cauchemar. Comment a-t-il pu passer à côté de toutes ces horreurs sans s’en rendre compte ? Sam et lui avaient bien suspecté que Madeline Kalst avait un complice pour sa série de meurtres visant à pousser la police à relâcher Aymeric Dumas, mais jamais il aurait envisagé que ce complice fût sa petite Fanny. C’est plus d’horreur qu’il peut en supporter ; son estomac ne lui obéit plus et il régurgite son dernier repas qui vient s’étaler sur le carrelage de la salle de bain.

Il n’entend plus de bruit. Fanny est-elle toujours là ? Cela n’en a pas l’air. Quoi qu’il en soit, il profite de cette accalmie pour se soigner. Il n’est pas médecin mais ne pense pas que sa fille lui ait touché un organe vital, et puis la lame n’était pas très grande. Dans l’immédiat, il faut stopper l’hémorragie. Une compresse, des bandages, et l’affaire est jouée en quelques instants.

Et maintenant ? Fuir ? Tenter une dernière fois de faire retrouver la raison à Fanny ? La mettre hors d’état de nuire ? Sa blessure l’affaiblit grandement ; parviendrait-il vraiment à l’arrêter ? Enfermé dans sa salle de bain, il n’a aucun moyen d’appeler de l’aide, son téléphone portable étant resté dans la chambre. Le voilà seul à affronter la situation. Que faire ? Dans sa tête, les idées se brouillent, entre la panique et l’horreur des dernières découvertes.

Un grand coup résonne contre la porte de la salle de bain. Puis un deuxième. Le troisième fait passer la lame d’une hache à travers la porte.

Fanny est là ! Je vais te faire sortir de ta cachette, petit cochon

Pitié, Fanny, pleure-t-il nerveusement. Arrête ça tout de suite !

Mais elle n’écoute plus rien et les coups de hache font voler des éclats de porte les uns après les autres. C’est cependant le verrou qui cède le premier ; ce qui reste de la porte s’ouvre alors. Fanny entre, la hache fermement maintenue par ses mains. Son regard est d’un noir abyssal et ses lèvres dessinent un affreux sourire soutenu par ses cicatrices. Elle lève son arme, prête à l’abattre sur son père, mais l’instinct de survie de Jyrall n’a pas disparu : il se jette sur elle et retient la hache de sa main valide et tente de la lui arracher. Fanny se débat comme une furie. Diable, d’où tient-elle une telle énergie ? Elle a le réflexe de frapper son père sur sa blessure ; il hurle de douleur et lâche prise.

La lame de la hache passe à ras de son visage. Il l’a évitée de justesse. Le second coup suit de peu. Jyrall plonge pour l’éviter. Dans ce mouvement il bouscule Fanny qui est projeté le long de ce qu’il reste de porte. La voie est ouverte ; Stéphane s’y précipite. Il s’enfuit par le couloir, sa main appuyant fermement sur sa blessure qui s’est remise à saigner. La douleur lui provoque des élancements et sa tête lui tourne. Son regard se trouble. Il serre les dents pour tenir le coup mais ses jambes le maintiennent de plus en plus difficilement. Il n’est plus qu’à quelques mètres de la porte de la maison. Trop affaibli, il trébuche.

Il entend des pas derrière lui et la lame de la hache traîner sur le sol. Il se tourne une dernière fois vers sa fille.

Pose cette hache ! hurle-t-il dans un dernier espoir de lui faire entendre raison.

JAMAIS !

Elle lève l’arme, prête à l’abattre quand la porte d’entrée est défoncée. Samantha Gerald bondit à l’intérieur. Fanny, réactive, tente de lui asséner un coup de hache. La lieutenante l’évite et parvient à lui arracher l’arme des mains et à l’assommer avec le manche. Fanny s’écroule.

Gerald se précipite auprès de son collègue, examine rapidement sa blessure et appelle tout de suite les secours. À moitié conscient, Jyrall reconnaît tout de même son équipière qui se penche sur lui.

C’est fini, Stéphane, je suis là.

Sam ? Mais comment

Je me suis réveillée avec un horrible pressentiment. J’ai eu beau me dire que c’était dans ma tête, que je n’avais rien à craindre, il a fallu que je vienne quand même pour vérifier. J’ai bien fait.

Fanny… elle et Madeline…

Chut, garde tes forces. Nous verrons ça plus tard.

* * *

Stéphane Jyrall se tient debout devant un grand bâtiment de briques rouges. Une boule lui dévore l’estomac. Samantha Gerald se trouve à ses côtés en guise de soutien. Bien qu’il ait démissionné, les deux anciens partenaires sont restés très proches. Après toutes les épreuves qu’ils ont traversées ensemble, ils ne peuvent se séparer, comptant l’un sur l’autre pour continuer d’avancer.

Es-tu sûr que tu préfères que je t’attende ici ? demande Sam.

Oui, je pense que c’est mieux ainsi. C’est quelque chose que je dois faire seul.

Comme tu veux.

Mais Jyrall hésite encore à entrer, terrorisé à l’idée de ce qu’il risque de découvrir. La peur lui déforme les traits du visage. Il faut cependant y aller ; voilà déjà trop longtemps qu’il repousse ce moment. Il prend une grande inspiration, pousse la porte du bâtiment puis se dirige vers l’accueil.

Bonjour, j’ai un rendez-vous pour une visite. Je viens pour voir…

Oui, le coupe la secrétaire, son médecin va vous accompagner. Veuillez-vous asseoir là en attendant.

Jyrall obéit. Quelques minutes plus tard apparaît un homme de grande taille, habillé d’une blouse blanche. Il a la tête d’une fouine au crâne dégarni. Il s’avance vers Jyrall, lui serre la main et lui fait signe de le suivre.

Monsieur Jyrall, je suis le docteur Vandoecker, le médecin de votre fille. Vous allez voir, elle a fait beaucoup de progrès depuis qu’elle est arrivée ici. Vous allez la trouver transformée !

Vous pensez qu’elle pourra bientôt sortir ?

Oh, il est encore trop tôt pour le dire, mais c’est en bonne voie, rassurez-vous. Ses crises sont de plus en plus rares.

Voilà qui redonne espoir à Stéphane Jyrall. Depuis que Fanny a tenté de le poignarder, il craignait de ne plus jamais retrouver sa douce et tendre petite fille. Il n’a pas eu d’autre choix que de la faire interner dans un hôpital psychiatrique afin qu’elle ne puisse plus blesser personne. Sam lui affirmait que cela aiderait Fanny, qu’une fois qu’elle serait guérie tout redeviendrait normal, mais Stéphane n’osait pas s’accrocher à ce rêve. Et là, voilà quelques jours, le médecin l’a appelé pour lui annoncer que Fanny avait demandé d’elle-même à voir son père.

C’est bon signe ! Depuis son internement, Fanny ne voulait absolument pas entendre parler de lui, le traitant des noms d’oiseaux les plus horribles, l’accusant de tous les maux et lui souhaitant les pires tourments. Mais aujourd’hui, elle semble prête à renouer le contact avec son père.

Le docteur Vandoecker ouvre une porte et fait pénétrer Jyrall à l’intérieur d’une pièce. Fanny est là, assise derrière une table, le visage amaigri, pâle, avec de sombres cernes sous les yeux. Ses lèvres dessinent un large sourire que les cicatrices rendent perturbant.

Elle est attachée ? s’étonne Stéphane. Je croyais que…

Simple mesure de sécurité, le coupe Vandoecker ; elle peut parfois se montrer violente. Ne vous inquiétez pas, tout ira bien. Je vais vous laisser entre vous.

Jyrall s’assoit face à sa fille. Il l’observe sans rien dire, ne sachant pas comment commencer. À part ce sourire dérangeant, elle est inexpressive au possible. C’est elle qui brise le silence :

Bonjour, papa, comment vas-tu ?

Jyrall est perturbé par la banalité de la question après tout ce temps, mais il faut bien débuter la conversation par quelque chose.

Je vais b… enfin, tu me manques, mais je fais avec. Tu sais, j’ai quitté la police, mais les journées sont longues, seul à la maison sans toi. J’envisage d’ouvrir une agence de détective privé.

Cela ne m’étonne pas, sourit Fanny. Tu as ça dans le sang !

Oui, c’est vrai. Que veux-tu, à mon âge on ne se refait pas. Et toi, ça va ? Ils te traitent bien ici ?

Papa, ils me… peu importe. Tu sais, j’ai changé. J’ai compris mon erreur. Oh, papa, je suis tellement désolée pour tout S’il te plaît, pardonne-moi !

Les larmes coulent, aussi bien celles de Fanny que celles de son père. Ces mots, il en a tant rêvé que les entendre le fait craquer. Oui, sa Fanny est toujours là ! Il aimerait la serrer fort contre lui mais il ne sait pas si c’est bien conseillé.

Oh oui, ma chérie, je te pardonne tout. Ne t’inquiète pas, je t’aime de tout mon cur.

Moi aussi, papa, je t’aime. Je suis désolée, tellement désolée… il faut que tu me fasses sortir d’ici !

Ce changement brutal de ton, du larmoyant à quelque chose de sec, froid, brutal, désarçonne Jyrall. Il prend du recul sur sa chaise et observe sa fille d’un il méfiant.

Ma chérie, les médecins pensent que c’est encore trop tôt.

Papa, pitié, je suis ta petite fille chérie. Pourquoi tu me laisses pourrir ici ?

C’est pour ton bien, tu le sais, ma puce : tu es malade et tu dois…

Ils… ils ont abusé de moi !

Quoi ? Que raconte-t-elle ? Jyrall sent que quelque chose ne tourne pas rond. Ces mots sonnent faux, ainsi que ces larmes opportunes qui se remettent à couler : elle joue la comédie, il en mettrait sa main à couper.

Ma puce, pourquoi me mens-tu ?

Fanny essuie ses larmes d’un revers de main et se cale bien confortablement dans sa chaise, un large sourire aux lèvres.

Quoi ? J’y suis allé trop fort avec cette histoire d’abus sexuel ? Dommage, je te croyais pas loin de céder, mais visiblement, tu ne te feras pas avoir aussi facilement. Ce n’est que partie remise. Tu ne veux pas me faire sortir d’ici ? Très bien, je sortirai d’une façon ou d’une autre. Ils ne pourront pas me retenir bien longtemps. Et sache, sale crevure de merde, qu’une fois que je serai dehors, je vais te faire vivre un enfer, une fête du tonnerre, un feu d’artifice exceptionnel, ah ah ah ! Ce que tu as vécu jusqu’à maintenant te paraîtra doux par rapport à ce que je te réserve ; tu vas regretter d’avoir tué ma Princesse, et tu vas regretter de m’avoir enfermée dans ce trou à rats de merde !

FIN

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