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Comment j'ai abandonné le romantisme – Chapitre 1

Comment j'ai abandonné le romantisme - Chapitre 1



Dix jours… Elle revient dans dix jours.

Dix jours, pendant lesquels elle pensera inévitablement à ce potentiel : « nous », pendant lesquels elle nous imaginera ensemble, nous embrassant, nous confiant, nous connaissant, nous amusant, nous découvrant…

Ou dix jours, au bout desquels elle me dira « non, je ne veux pas. »

Cela fait un petit moment que Marie-Maude et moi nous tournons pourtant autour. Rencontrée un soir davril par lentremise dune amie, dont le péché mignon est de marier ses cercles de fréquentation, nous nous sommes revus à plusieurs reprises.

Verre en terrasse, pièce de théâtre, puis restaurant, un petit tour à la fête foraine, le parcours était parfait. Je navais pas précipité les choses, je la savais timide, fragile et finalement peu habituée aux hommes.

Je supposais quelle avait connu des évènements difficiles, ce que mon amie entremetteuse semblait également ignorer. Le genre dévènement qui vous pousse à rester en retrait, à ne pas vous confier, mais, tout en même temps à vouloir aider les autres, à moins quil ne sagisse de saider soi-même… Marie-Maude est en effet une jeune psychologue scolaire de vingt-huit ans…

Je navais pas précipité les choses, disons-le franchement, parce que jétais moi-même loin dêtre un Casanova…

Et par là, je ne veux pas dire que mon physique est un inconvénient (je me trouve même plutôt pas trop mal, sans pour autant être une gravure de mode, plutôt au-dessus de la moyenne pour résumer), cest juste que je ne suis pas très à laise avec lart de la séduction.

A vingt-neuf ans, javais déjà eu quelques histoires, dune durée de trois semaines à trois mois. Mais jai toujours pensé quil sagissait là de coups de chance.

Avec Marie-Maude, cétait donc la première fois que je prenais les devants et que javais pu mettre toute une stratégie en place. Jétais assez content de moi et espérais donc bien que cela marcherait !

Quoi quil en soit, Marie-Maude devrait attendre une dizaine de jours, le temps de ses vacances en Afrique… Quant à moi, il allait bien falloir que je moccupe. Ce soir donc, pas question de se laisser abattre, je sors !

Une soirée karaoké est organisée dans un bar en ville, que je ne connais pas. Ce nest certes pas une distraction des plus intellectuelles, mais jaime bien chanter (et les vendeurs de bouchons doreille aussi apparemment). Je my rends avec un ami qui connaît un groupe de personnes qui y participent.

Nous arrivons, une bonne partie du groupe est déjà là, mon ami ne connaît pas tout le monde visiblement, et moi personne (ça ne me met pas trop à laise, mais bon, il faut bien que je fasse un effort…)

Dans le groupe, une personnalité se distingue de suite : une rousse dà peu près ma taille et denviron mon âge, physique plutôt standard, portant un haut moulant, laissant présumer une poitrine généreuse, et une jupe fendue jusquà mi-cuisse. Pas vraiment mon genre de fille au premier abord (oui, parce quen plus de nêtre pas doué pour la drague, il faut en plus que je sois exigeant… tout pour me simplifier la vie quoi…)

Elle se distingue car elle parle à tout le monde, et je comprends vite que cest elle qui a organisé la soirée…

Le groupe étant au complet, nous décidons de rentrer nous asseoir, et là, surprise  : la rouquine, qui sappelle Jessica, se retourne vers moi et me dit : « Toi, tu tassoies là. », cest-à-dire à côté delle.

OK ! Je lui réponds, sans pouvoir mempêcher de la trouver super directe.

Les discussions démarrent, chacun commande un verre, Jessica parle à tout le monde, et surtout à moi. À un moment elle me dit :

Tu as dû être surpris que je te demande de tasseoir à côté de moi, nest-ce pas ?

Oui, un peu (tu parles ! Complètement oui !)

Cest à cause de lui, me glisse-t-elle discrètement, tout en sapprochant de moi, et frôlant ma cuisse avec sa main.

Elle me désigne alors discrètement un type dune quarantaine dannée, dair antipathique et qui fait clairement la gueule, je navais pas retenu son prénom, tant il ne minspirait rien.

Cest un gros relou, il est arrivé avant toi, et a déjà commencé à me faire du rentre-dedans, mais pas dans le genre qui me plaît.

Cest-à-dire ?

Ben, du genre vulgaire, on voit clairement quil ne pense quà me sauter, il na fait que mater mon décolleté…

Je vois.

Et je comprends, même si je dois admettre que Jessica a une poitrine des plus généreuses, elle nest pas habillée de façon provocante ; enfin, pas trop…

Mais du coup, pourquoi tu mas demandé spécifiquement de masseoir à côté de toi ? Il y a dautres personnes pourtant.

Oui, mais toi tu es mignon ! me répond-elle du tac au tac…

Malgré la contenance que jaffichais, jétais estomaqué : cette fille, que je ne connaissais pas il y a une demi-heure, me draguait sans aucune ambiguïté, et je nétais pas habitué à ça… comment allais-je réagir ? Si jentrais dans son jeu, sil se passait quelque chose, comment me dépatouillerais-je avec Marie-Maude ?

Tu as une copine ? me demande-t-elle soudain.

Euh… non.

Ah ? Cest bizarre.

La conversation est soudain interrompue par lanimateur du karaoké qui mappelle pour interpréter mon titre… je lavais presque oublié, celui-là ! Je me lève et en profite pour jeter un regard discret sur la jambe laissée nue de la jupe fendue de Jessica, me dirige vers la piste ; jai choisi de chanter Walking in Memphis de Mark Cohn.

Je sais, jadore les défis…

Je chante, je ne vois rien dans la salle avec les lumières, concentré sur ma prestation.

La chanson sarrête. Lanimateur déclare alors :

Ah… ce nest pas une chanson facile…

Les actions de bouchon doreille vont encore monter, quoi… Je me suis sans doute couvert de ridicule.

Je retourne à la tablée, et Jessica nest plus là… Enfin si, elle sest levée et discute avec un autre mec.

Bon, ben la situation revient à la normale.

Etrangement, bien que cette fille ne soit pas mon genre et que je nenvisageais rien (de sérieux) avec elle, je sens comme une pointe de jalousie à la voir discuter avec un autre gars. En même temps, pour une fois quune fille me drague, cest rageant que tout tombe à leau comme ça.

Puis elle revient vers moi, et, sans prévenir sassoit sur mes genoux !!!

Je ne dis rien, elle non plus. Quelques personnes dans le groupe dont mon ami nous regardent. Je croise des regards surpris, amusés, voire réprobateurs… mais je men moque : un volcan, un séisme et un tsunami déversent en même temps leur flot dénergie bouleversante et destructrice dans ma tête, mon cur et, il faut bien le reconnaître, dans mon pantalon.

Imaginez : pour moi, le trouillard, aussi à laise dans les relations humaines quun mouton jamaïcain défoncé sur un surf des neiges, je suis en train demballer une parfaite inconnue, que je finis par trouver plutôt jolie au passage, sans pratiquement rien faire ! Jai limpression quaujourdhui ma vie change et que jen deviens enfin lacteur (ce qui est un peu cocasse, puisque je viens de me dire que je nai pas fait grand-chose… mais bon…)

Elle est donc là, sur mes genoux. Son coude posé sur le bras du fauteuil fait que sa main se trouve à quelques centimètres de la mienne. Si je la frôle, la touche, et quelle ne la retire pas, il ny a plus aucun doute sur ses intentions…

Japproche donc doucement mes doigts des siens, dix millimètres les séparent. Je remarque sa cuisse, que le tissu ne cache quà peine ; cette fille mexcite.

La musique est toujours là, elle nous coupe du monde, nous éloigne de la Terre, nous sommes presque seuls. Je suis fébrile ; et sil existe une minuscule chance que je me trompe ? Comment gérer la suite ? Elle rejette ? Se lève ? Me gifle ?

Huit millimètres.

Malgré mes doutes, javance mes doigts. « Non, je ne peux pas me tromper, il y a trop de signes. » me dis-je pour mencourager.

Quatre millimètres.

Deux millimètres.

Elle regarde la salle ; je ne sais pas si elle a vu mon manège. Est-ce quelle joue avec moi ?

Un millimètre.

« Et Marie-Maude ? » me dis-je soudain.

Oh, et puis merde, on verra bien,

Victoire ! Elle ne dit rien, ne bouge pas.

Rassuré, je poursuis lapproche. Je frotte lentement sa main, discrètement dabord, puis, de plus en plus ostensiblement : jai gagné ! Mon intuition était la bonne, je ne me suis pas trompé.

On se regarde. Japproche doucement mon visage du sien ; elle a un demi-sourire : celui de la prédatrice satisfaite que sa proie lui tombe entre les doigts.

Nos bouches sont proches, la musique et les gens ont disparu autour de nous, Marie-Maude est en Afrique ou sur Pluton, je ne sais plus ; en tout cas, elle est très très loin.

Elle me dit alors dans un souffle, reculant très légèrement sa tête : « Quest-ce que tu fais ? » Mais le ton quelle emploie ne souffre daucune ambiguïté : la surprise est feinte, létonnement de façade, comme un dernier rempart de pudeur qui cède pour me prouver se prouver quelle nest pas une fille facile.

Tu le sais très bien,

Elle sourit.

Puis mes lèvres touchent les siennes…

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