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Des fleurs pour Manon – Chapitre 1

Des fleurs pour Manon - Chapitre 1



Lundi 21 janvier 2008.

« Je mapel Manon. Jé mal. Jé mal. »

Rapport préliminaire, extrait.

« Le choix du cobaye pour le projet Délivrance 4 sest porté sur une néo-patiente du service de traumatologie du Massachusetts General Hospital. »

« Le sujet choisi est Manon Lestrade, née le 12 octobre 1989 à Paris, France. Père français, mère américaine, habitant à Cambridge, tous deux professeurs à Harvard. Tous deux décédés dans un accident de voiture le 7 janvier 2008. Manon est la seule survivante mais son cerveau a subi une forte compression qui la endommagé irréversiblement. Elle présente actuellement un QI proche de 60. Les Lestrade nont pas de famille aux US, ni aucune connue par luniversité ailleurs. »

« Les dégâts physiques sont par ailleurs limités : une épaule luxée, quatre côtes fêlées, des traumatismes faciaux, le tout en bonne voie de guérison. Un aide soignant de notre équipe lassiste depuis la première heure et confirme le bon état physique du sujet. Les injections du composé pourront commencer dès que la Direction des Opérations aura donné son feu vert. »

« Jé cho, jé mal. Jé peur. »

Mardi 22 janvier 2008.

Rapport de Clive Jones, extrait.

« Manon obéit aux ordres les plus simples : assis, debout. Elle ne développe pas dagressivité mais pousse des cris de colère régulièrement, même en dormant. Elle mange à peu près normalement, à laide dune cuillère uniquement ; elle ne maîtrise pas lusage dun couteau ni dune fourchette. Pour ses besoins, elle doit porter des couches en permanence. »

« Je lui fais faire un peu dexercice, elle marche une heure par jour dans les couloirs avec moi. Ses yeux sont dégonflés mais son regard reste vague et éprouve des difficultés à se fixer. Elle paraît apte physiquement à recevoir les injections. »

Mercredi 23 janvier 2008

A 9 h 32, une dose de 4cc de sérum a été injectée. Le sujet na pas réagi particulièrement.

« Jé mal la tête, jé mal le ventre. »

Jeudi 24 janvier 2008

A 9 h 29, une dose de 4cc a été injectée. Le sujet na pas réagi particulièrement.

« Jai chaud. Mal à la tête. La voiture. Papa. Maman. »

14 h 16. Manon rejette le drap et sassied difficilement au bord du lit ; elle regarde les murs, blancs et nus, la fenêtre avec des barreaux, le sol carrelé blanc. Elle se laisse glisser du lit et se retrouve debout, touche ses vêtements : un pantalon vert informe et un chemisier du même vert ; elle touche son ventre et sent la présence dune épaisseur, sur ses hanches aussi, ses fesses. Des couches. Ses yeux semplissent de larmes .

« Que sest-il passé ? Où sont mes parents ? Je ne me souviens de rien. De rien ? Ue soir, dans la voiture., Jécoute de la musique à larrière, Muse, je crois, les écouteurs sur les oreilles. Maman qui crie. Fort. Un bruit de métal, la voiture qui tourbillonne. Plus rien. »

Clive entre dans la chambre et trouve Manon qui pleure, debout à côté du lit, lair misérable. Il la considère prudemment.

Que se passe-t-il ?

Où sont mes parents ? Je veux voir mes parents.

Calmez-vous, asseyez-vous, je vais vous expliquer Vous me reconnaissez ?

Non. Oui, je pense. Cest flou, mais vous vous prenez soin de moi ? Ces putains de couches, cest pour quoi ?

Marion sest relevée, elle crie, sa voix se brise, elle se laisse retomber sur le lit, soudain trop faible. Clive va chercher une chaise et sassied près du lit, il parle, Manon pleure. Plus tard, après que Manon a enlevé les couches et pris une douche, elle sexamine longuement dans un miroir. Elle découvre une étrangère, la crâne rasé et lisse, les yeux trop brillants, la bouche trop grande et les lèvres sèches. Elle revient dans sa chambre en même temps que Clive qui est allé lui acheter des vêtements.

« Il est sympa, Clive, avec sa mine de nounours, ses cheveux en bataille. Il doit approcher de trente ans, et il a une mine déternel adolescent, un peu perdu. Comme moi. Orpheline. Survivante par miracle. Accroche-toi, Manon. Maman aurait voulu que tu te tiennes droite. Papa aurait voulu que tu te battes. »

Clive, tu peux me laisser mhabiller ? Merci.

Je sors. Tu mappelles et tu me dis si ça va ?

Il a choisi de la lingerie délicate, un tanga en dentelle noire si fine que son pubis lisse se distingue en transparence ; oui, ils lont rasée complètement, pour des raisons dhygiène. Le soutien-gorge assorti comprime un peu sa poitrine. Il semble un peu juste pour ses volumineux seins en poire. Et une robe noire au genou, serrée à la taille, qui lui va parfaitement. Des chaussures noires en cuir à talons modestes, mais qui cambrent agréablement ses mollets. Elle appelle Clive qui reste bouche bée devant elle, lui rendant un hommage discret qui lui chauffe le cur.

Tu crois que je peux sortir, maintenant ? Je ne risque plus rien ?

Je ne sais pas, je ne suis quaide-soignant. Des professeurs vont venir te voir.

Je peux avoir de la musique ? Jai le moral à zéro.

Vendredi 25 janvier 2008

Rapport de suivi :

« Lévolution a été plus rapide que prévu, et plus importante. Le sujet a récupéré son QI initial, estimé à 147. Les tests de ce matin le prouvent. Il demande à sortir de lenvironnement actuel. Clive Jones a accepté daccompagner le sujet, qui est daccord. Un budget de suivi lui est attribué. Le sujet souhaite revenir à sa résidence de Cambridge, qui lui appartient. Le sujet a dix-huit ans, mais du fait de sa déficience mentale avérée après laccident, il se voit attribuer Mr Jones comme tuteur provisoire. »

15 h. Manon fait le tour de la petite maison près du campus ; elle pleure silencieusement en marchant, Clive lattend dans le salon, debout, immobile. Elle revient sans bruits, pieds nus sur le parquet, et se blottit dans ses bras. Cest la première fois quelle fait ça et il est ému, ses mains se posent doucement sur ses hanches et la serrent contre lui. Longtemps après, elle se recule en sexcusant, les yeux rouges et gonflés.

Excuse-moi. Je dois être horrible comme ça.

Ce nest rien, cest normal. Et tu nes pas horrible, tu es très belle.

Merci, mais je sais que pour le moment Il faut que je me batte, pour mes parents, quils naient pas honte de leur fille., lui explique-t-elle.

« Clive me regarde comme si jétais une déesse, une icône. Il est craquant, ce garçon ; il na que vingt-cinq ans, je lui ai demandé. Il est célibataire, séparé, libre. Comme moi. Maintenant je suis seule, en ruines. Accroche-toi, bats-toi. »

Tu vas dormir ici ?

Oui, mais je ne sais pas où ; dans ce canapé ? lui propose-t-il.

Pas dans la chambre de mes parents, je ne pourrais pas.

Je comprends, mais ne ten fais pas, ici sera bien.

Tu crois quil faut faire des courses pour ce soir ?

Ou on peut sortir manger une pizza, si tu le souhaites.

Non, mais on peut en commander une, maman le faisait souvent.

Manon sest tue, submergée de chagrin ; sa maman est morte, incinérée, les cendres mélangées avec celles de papa. Ils lattendent dans une urne entreposée au crématorium. Clive commande deux pizzas, Manon choisit une chaîne musicale puis sassied en ramenant les chevilles sous ses fesses. Comme il reste debout, incertain, elle lui fait signe de sasseoir à côté delle. Et elle se laisse tomber contre lui, qui la serre sous son bras, la main sagement posée sur la hanche.

Merci dêtre là, je ne sais pas comment je serais autrement.

Je suis heureux que tu sois comme ça, tu étais si mal quand je tai vue, le traitement ta métamorphosée, vraiment.

Quel traitement ? Je ne suis pas au courant.

Ton cerveau a été touché dans laccident. Et tu reçois une injection dun sérum expérimental tous les jours, ce qui ta permis de retrouver tes capacités intellectuelles. Je nétais pas censé te le dire, tu sais.

Cest dément, et personne ne devait me le dire ? Il dure combien, ce traitement, cest définitif ?

Je ne sais pas, je ne suis quun sous-fifre, tu comprends, on ne me dit pas grand chose. Je vais me renseigner, et tu vas aussi leur demander de texpliquer.

Manon est songeuse, elle a posé une main sur la cuisse de Clive ; elle est bien comme ça, au chaud, décontractée. Et en même temps, elle sinquiète ; elle sait que le lendemain elle doit avoir une nouvelle injection de ce produit miracle. Elle se rappelle encore sa rage, son impuissance dêtre enfermée dans ce corps sain, elle se rappelle son incontinence, les gens qui la lavaient et la faisaient manger. Elle relève la tête et regarde Clive, ses yeux graves mais chaleureux. Plus tard, elle mange un peu de pizza, repliée sur elle-même, mais elle quémande la main de Clive quand son estomac noué refuse dingurgiter plus.

Je monte me changer, je te rejoins ici, tu mattends ?

Je ne bouge pas, prends ton temps, Manon. Je suis désolé pour ce qui tarrive ; tu es si jeune, si belle.

Ne me dis pas ça, je ne suis pas belle ! En plus, avec mon crâne rasé

Regarde-toi dans un miroir, Manon ; tu es superbe, vraiment ; tes yeux sont magnifiques, ta bouche est sublime ; et ton cou Fin, gracile, délicat File, faut que jarrête de dire des bêtises.

Merci.

Elle grimpe les marches, le cur battant, émue et troublée. Dans sa chambre, elle se déshabille entièrement et examine son corps, taille fine et hanches pleines, poitrine arrogante. Elle sait quelle a de jolies formes, mais Clive voudra-t-il delle ? Car elle a décidé de se donner à lui ; elle a failli mourir, elle sait quelle est passée très près de la fin. Elle prend une douche rapide, choisit ce quelle a de plus beau comme lingerie : un string blanc en dentelle au triangle étroit qui enveloppe le pubis, et son joli soutien-gorge assorti. Un ensemble acheté en cachette de ses parents et quelle na jamais porté. Un peu de rouge à lèvres rose, du parfum, un kimono en soie bordeaux, des escarpins noirs, et elle descend rejoindre Clive.

Quand il la voit dans lescalier, il sapproche et la rejoint, arrêtée sur la première marche. Cest parfait, il est plus grand quelle pile de la hauteur dune marche. Il sourit, pas seulement sa bouche, mais ses yeux, tout son visage. Ils sembrassent, dabord doucement, chastement, puis les bouches souvrent, les langues se touchent, hésitantes, incertaines ; les salives se mélangent, les corps se touchent, se cognent, semboîtent. Puis la jeune fille recule, un peu essoufflée.

Je veux que tu me fasses lamour, que tu fasses de moi une femme. Je suis vierge et jai failli mourir, je ne veux pas passer à côté de ça. Tu veux bien ?

Ma chérie, rien ne me ferait plus plaisir. Tu mérites du bonheur. Tout le bonheur du monde.

Viens, on va dans ma chambre. Et sois tendre, je ten prie.

Ils sont montés lentement, enlacés. Se sont embrassés en se déshabillant. Curieuse, Manon a examiné la verge de Clive à la dérobée dabord, paralysée par une retenue pudibonde. Puis elle sest baissée, sagenouillant devant lui ; elle a caressé la tige de chair rose et congestionnée émergeant dune toison brune qui recouvrait aussi les testicules. Encouragée par Clive, elle a commencé à la lécher avant doser gober le gland.

Continue, ma belle, lencourage-t-il dune voix rendue rauque par lémotion, avant de se raviser. Bon, arrête, je vais te faire un câlin à toi aussi… Allonge-toi, écarte bien, montre ton petit minou tout lisse.

Oh ! Cest trop bon, mon Dieu, cest trop !

Manon jouit presque aussitôt sous la langue habile de Clive, elle mouille beaucoup et pousse des cris quand elle jouit une deuxième fois, puis Clive vient présenter son sexe tendu devant la vulve rose.

Tu es prête ?

Oui, je nai pas peur, je taime, Clive.

Moi aussi, ma chérie !

Il senfonce doucement, sa verge tendue glissant facilement jusquà buter contre lhymen, petite résistance quil a sentie, avant de donner un coup de reins qui arque le corps de Manon ; sous la douleur, il voit deux larmes jaillir, le beau visage se crisper puis se relâcher. Il se penche et cueille les larmes de ses douces lèvres. Puis Manon lui sourit et relève les jambes pour soffrir mieux, signe dencouragement pour Clive qui commence à se mouvoir lentement, profondément, avant daccélérer, encouragé par Manon qui se tord de plaisir.

Il jouit tout au fond de son ventre et un nouvel orgasme la terrasse en sentant la semence se répandre en elle. Il est tombé en avant, respirant fort, et elle le serre dans ses bras en lui murmurant des mots damour. Cette nuit-là, il font lamour deux fois encore, et chaque fois est un aboutissement, une entente ; bien sûr Manon est inexpérimentée, mais sa bonne volonté, sa complicité et sa fraîcheur font merveille.

Samedi 26 janvier 2008

8h 10. Manon se réveille, elle est blottie contre Clive. Elle file se doucher, et Clive la rejoint, leur câlin prolonge la nuit de plaisir.

9 h 20. Clive fait entrer le professeur Wladimir Lioubovitch, responsable technique du projet Délivrance, accompagné de linfirmière habituelle. Il est immédiatement gêné quand Manon lui demande la suite des opérations et son devenir.

Je ne… Je nai pas le droit…

Professeur, vous êtes le chef du projet délivrance, vous devez expliquer à Manon, cest sa vie qui est en jeu, elle a le droit de savoir !

Techniquement, elle est sous tutelle !

Parlons-en, cest moi le tuteur. Alors vous nous expliquez clairement, ou on va directement au Centre de Police, ou au Boston Globe.

Pas les journalistes, vous êtes fou, cest un projet ultra secret !

Vous savez ce qui reste à faire !

Vous laurez voulu. Manon Lestrade devrait revenir à lhôpital dici demain matin. Cette injection est la dernière, de toutes manières le sérum est en train de dégrader le cerveau et leffet positif doit sestomper dici 12 à 15 heures. Définitivement. Toute autre injection serait sans effet. Je suis désolé, mademoiselle.

Manon est debout, le visage blafard jusquau haut du crâne lisse, les yeux secs, le corps tétanisé. Son monde vient de sécrouler une deuxième fois. Ne restent que des cendres. Elle tourne la tête vers Clive ; il la regarde, le teint terreux, les yeux pleins de larmes. Il la serre dans ses bras et caresse son épaule. Après la piqûre, quand ils se retrouvent seuls, Manon sourit bravement et lance :

Au moins, je suis fixée, il me reste… Il est 10 heures, jusquà minuit à vivre, environ. Ne dis rien ; tu ne crois pas que je vais vouloir vivre à létat de légume comme jétais avant, avec des couches et cette douleur dans ma tête qui narrête pas ?

Non, ma chérie, je sais. Sainte merde ! Je ne sais plus quoi dire.

Ne dis rien. Aujourdhui il fait froid et sec, je veux me promener, revoir mon lycée, la Trinity Church où jai été baptisée, manger au Mac Do, je ne risque plus rien. Non, pas ça, on trouvera un vrai restaurant. Puis il faut trouver du poison pour ce soir. Je suis désolée, mon chéri. Je tabandonne si vite…

La journée est passée, vite et lentement à la fois ; Manon et Clive se sont promenés au gré des envies de la jeune fille. A 20 heures, de retour dans le salon, Manon doit se rendre à lévidence ; ce nest pas si facile de se procurer du poison ou une arme à feu. Et là sa vision se trouble, elle regarde autour delle, ne reconnaît pas la pièce, crie.

Clive ! Clive ! Je crois que ça commence. Mon Dieu, non ! Un couteau, vite, trouve un couteau ! Jai mal à la tête, pitié !

Mon amour, je suis là, je ne te laisserai pas redevenir comme avant, je te le promets. Calme-toi, viens dans mes bras.

Elle se serre contre lui et se calme, il sent sa respiration sapaiser alors quil murmure des mots doux ; mais quand il sécarte, elle reste immobile, les yeux vides. Doucement, il lui prend la main et monte lescalier, elle le suit sagement. Il pleure en la faisant sallonger sur le grand lit où ils ont fait lamour.

« Jai mal. Il fait chaud. Clive. Amour. Jé maaal. »

Clive sapproche, un gros coussin dans les mains ; il embrasse Manon sur la bouche sans quelle réagisse, puis applique le coussin sur le visage aimé et le maintient fermement. Il sattend à une réaction violente de survie, mais rien, une main douce se pose sur la sienne et reste à son contact longtemps, puis retombe inerte. Il enlève le coussin et contemple le visage rougi mais serein, ferme les yeux voilés, embrasse le front sans se rendre compte quil linonde de ses larmes. Puis il compose le 911.

Dimanche 26 janvier 2014.

15 h. Boston. Bravant le froid et la pluie, un couple avec un enfant sarrête devant une tombe toute simple dans le cimetière Forest Hill. Lhomme a les cheveux prématurément gris et le visage marqué, il na pas été épargné par la vie ; il sapproche et pose un gros bouquet de fleurs sur le gazon devant la croix où est inscrit : « Manon LESTRADE 12 octobre 1989 / 26 janvier 2008 RIP ». Lenfant échappe à sa mère et commence à courir dune démarche encore hésitante, elle a seulement deux ans ; sa mère la hèle.

Manon, ne cours pas, ma chérie, tu vas tomber !

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