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Pauline – années adulte – Chapitre 25

Pauline - années adulte - Chapitre 25



Chapitre 25

« Marc » ? Pourquoi m’avait-il donné son prénom ? Comment connaissait-il le mien ? Ma grand-mère le regardait d’une drôle de façon Ils se connaissaient ? Il me lâcha pour aller à sa rencontre. Un infirmier vint me voir. Je ne l’ai pas laissé parler, j’ai tout de suite dit :

— C’est bon, je vais bien.

— Vous saignez de la lèvre

— Ce n’est pas grave, laissez-moi.

Il me déposa tout de même une couverture sur les épaules ; c’est vrai, j’avais oublié, j’étais entière nue. Je me suis également rendue compte qu’il faisait froid dehors parce que j’ai alors eu plus chaud. J’ai tourné la tête, Neven était entre de bonnes mains. Il avait plus souffert que moi, mais ça ne l’empêchait pas de me faire un petit signe et un beau sourire.

J’ai avancé doucement, j’avais l’impression que ma tête tournait, tout le vacarme autour de moi faisait bourdonner mes oreilles. Les gyrophares s’étaient allumés, du bleu, du blanc, du rouge, des phares. Tout illuminait la façade de la maison alors qu’une nuit noire avait commencé à s’installer.

— Mademoiselle, je vais avoir besoin de votre déposition.

— Pas maintenant, s’il vous plait.

Ma grand-mère était en pleine discussion avec ce Marc. Ils n’arrêtaient pas de me regarder. Je sentais que c’était important et que ça me concernait. Je voulais savoir ce qu’ils disaient. Mon avancée fut coupée par un brancard qui passa devant moi un sac mortuaire Patrice. Je n’ai eu aucune émotion, rien, je m’en fichais. Je me disais juste que c’était une bonne chose car il ne pourrait plus faire de mal à qui que ce soit.

Ma grand-mère avait les larmes aux yeux. Que lui avait-il dit ? Elle se précipita vers moi et me prit dans ses bras. Je lui ai demandée :

— Qu’est-ce qu’il se passe ? C’est maman ?

— Oui. Elle est vivante, mais dans un état critique. Les médecins ne savent pas s’ils vont pouvoir la sauver.

Je me suis mise à pleurer. J’ai réalisé que j’avais besoin de ma mère, que je l’aimais, que je ne voulais pas qu’elle meurt. Je voulais aller la voir tout de suite, je voulais lui dire à quel point je tenais à elle. Mais, ce n’était pas possible, personne ne pouvait encore lui rendre visite.

Alors, je continuais à pleurer dans les bras de ma grand-mère. L’homme s’était approché, il me fixait, j’ai demandé à Pauline

— Tu le connais ?

— Oui, c’est une vieille connaissance. Il a quelque chose à te dire d’important, mais ne sait pas comment aborder le sujet.

— Alors, dis-le-moi, si tu sais.

— Oui, il vient de me l’annoncer Il est ton père.

— D’accord Je ne sais pas quoi dire Je vais aller voir Neven. Je crois que j’ai une explication à lui donner.

J’avais été si contente d’apprendre quelques jours plus tard qu’on pouvait enfin aller voir ma mère. Les opérations s’étaient bien passées, mais elle restait dans le coma. Elle n’était pas tirée d’affaire, mais les chances qu’elle s’en sorte étaient grandes. J’ai été choquée en entrant dans sa chambre, je ne m’attendais pas à la trouver comme ça. Je n’ai pas pu rester plus d’une minute : il fallut que j’aille vomir aux toilettes.

Ma mère avait des tubes partout sur elle. Son visage était en grande partie cachée par des bandages. Mais, était-ce encore un visage ? Un avant-bras, celui qui portait ce tatouage horrible, avait dû être amputé et le docteur qui annonçait qu’elle ne pourra plus jamais marcher, qu’un poumon avait dû être enlevé, qu’un nouveau foie avait été greffé, que presque tous ses os s’en était trop pour moi.

Il me fallut plusieurs jours pour enfin oser la regarder, l’accepter dans cet état, et lui parler. M’entendait-elle ? Je pense que oui, même si aucun signe ne pouvait me le confirmer. Ma grand-mère posa ses mains sur mes épaules

— Viens, il faut maintenant la laisser se reposer.

— Tu crois qu’elle va se réveiller ?

— Oui, j’en suis certaine. Il faut juste avoir de la patiente. Elle doit avoir des tonnes de choses à raconter à Yvan.

— Quoi ? A papi ?… Pourquoi dis-tu ça ?

— Comme il ne vient plus me voir, c’est qu’il s’occupe d’elle. Elle ne peut pas avoir de meilleur ange gardien.

Je me retrouvais pour mon premier jour officiel lycéenne de cet établissement, sans que l’état de ma mère ne se soit amélioré. A peine arrivée, tout le monde se précipita vers moi pour savoir si ce qui avait été écrit dans les journaux était vrai. Tous voulaient que je raconte ce qu’il s’était passé, que je dise ce que j’avais ressenti. J’étais un peu la "star" du lycée, et ce n’était pas forcément pour me déplaire, ça me permettait surtout de ne pas trop penser à ma mère.

Neven était jaloux, et ça commençait à l’énerver que je ne passe pas plus de temps avec lui. Pourtant, lui aussi avait du succès, surtout vis-à-vis d’un groupe de pétasses qui le prenait pour un superman sans le quitter d’une semelle.

Heureusement tout de même, ça a commencé à bien se clamer au bout de quelques jours. Ça devenait lassant de raconter tout le temps la même chose. Cependant, le changement fut trop brutal : je suis passée de « héroïne » à quelque chose de bien moins réjouissant en quelques minutes. Nous étions tous réunis dans la salle de sport pour une conférence sur les actions à prendre en cas de prise d’otage ; mon histoire avait dû inspirer certains profs… Je cherchais du regard Neven pour me rapprocher de lui, mais je le vis à l’autre bout de la salle. J’avais même l’impression qu’il m’évitait.

Je n’écoutais pas vraiment l’intervenant. Je savais juste qu’un moment il parlait de comment agir lors de négociations ; une voix s’était alors élevée parmi les élèves disant "il suffit d’envoyer Yvana pour les sucer". Tout le monde s’est mis à rire en se tournant vers moi, je suis restée bouche bée.

J’étais alors à côté de Laura, l’ex de Neven et ma première amie, et je lui ai demandée

— Pourquoi il a dit ça ?

— Il veut juste faire l’intéressant.

— Non, sérieux… Il se passe quoi ? Tout le monde me regarde bizarrement depuis ce matin.

— Ben, tu dois bien savoir pourquoi… Non ? T’es la seule à pas être au courant des vidéos ?

— Quelles vidéos ?

— Ben, fais une recherche sur internet te concernant…

J’ai dû attendre de pouvoir accéder à mon téléphone pour faire cette recherche… Il y avait plein de vidéos de moi. Oui, à l’époque je me laissais filmer, je ne voyais pas en quoi les conséquences seraient gênantes. Je n’avais pas pensé qu’un jour mon existence changerait du tout au tout. Je n’avais alors que le sexe dans la vie et je savais que celle-ci serait différente de celle des autres Je le pensais en tout cas. Je n’avais pas imaginé que mes activités sexuelles seraient publiées au monde entier.

On n’arrêtait pas de m’emmerder jusqu’à la fin des cours. Et Neven m’évitait le mieux qu’il pouvait. Je le vis à la sortie monter sur sa moto sans m’attendre. J’ai couru vers lui :

— Neven

— Désolé, mais j’ai besoin qu’on fasse une pause.

Il partit, j’ai pris le bus pour rentrer. Je ne pouvais pas me mettre au moindre endroit sans qu’on vienne me chercher et m’humilier. Je suis descendue à un arrêt n’en pouvant plus. Il y avait une supérette, j’y suis entrée. J’étais en train de péter un plomb, j’ai laissé mes pulsions prendre des trucs, je n’avais pourtant pas d’argent sur moi. Je me suis faite arrêter par un vigile à la sortie du magasin, on m’avait vue essayer de voler. Ils ont appelé Pauline qui est venue me chercher.

Dans la voiture :

— Les médecins sont assez confiants sur l’état de Jade.

— Pourquoi tu me parles d’elle ?

— J’ai pensé que

— Ça n’a rien à voir.

— Neven ne pouvait pas te ramener ce soir ?

— Ne me parle plus jamais de cet abruti !

— Est-ce que je peux te parler de quelque chose ?

— Non ! Je ne veux plus jamais qu’on m’adresse la parole.

— Ok Tu as une préférence pour le repas de ce soir ?

— Je m’en fous ! Je n’ai pas faim !… Laisse-moi tranquille, s’il te plait.

J’aurais pu lui dire merci d’être venue me sortir de ce pétrin. Mais non Elle avait payé ce que j’avais volé sans même regarder. A peine arrivée à la maison, je suis allée m’enfermer dans ma chambre. J’ai attendu qu’elle aille se coucher, puis encore attendu pour être certaine qu’elle dorme enfin, et je suis allée à la salle de bain avec ce que j’avais essayé de voler à la superette.

Je me suis regardée dans le miroir, je me suis trouvée si moche, si hideuse ! Il fallait que je change de tête. J’ai pris le premier produit que j’avais volé, une coloration pour cheveux rose. Je l’ai appliquée, j’ai attendu Je me suis regardée Je me donnais envie de vomir. J’en ai pris une autre, bleue cette fois. Mais, avec le rose, ça faisait violet, et je me suis mise à pleurer. Je me fichais de la couleur des cheveux, je me rendais juste compte que ce que tout le monde attendait de moi était que j’ouvre bien la bouche et que j’écarte comme il faut les jambes C’était donc ça la vie que je devais avoir ?

Pauline entra dans la salle de bain au moment où j’allais me couper les cheveux. Elle ne dit rien, elle a ouvert ses bras, et je me suis blottie dedans. Elle m’emmena dans le salon, alla me préparer un bon chocolat chaud avec une fraise tagada dedans, comme quand j’étais petite, comme je n’en avais pas eu depuis bien trop longtemps.

— Veux-tu enfin me dire ce qu’il se passe ?

— Fais une recherche avec mon nom et n’importe quelle insulte derrière et tu comprendras.

Elle fronça alors les sourcils, prit un de ses écrans Merde, je n’avais aucune envie qu’elle me voie en train de sucer des bites à la chaine ou me faire partouzer par plusieurs types en même temps. Au bout d’un moment, elle me montra une vidéo. Je suis restée un petit un instant à regarder, j’ai eu un doute, mais :

— Heu Ce n’est pas moi ça Elle me ressemble beaucoup, mais je sais que ce n’est pas moi parce que je n’ai jamais eu les cheveux bleus avant.

— Non, ce n’est pas toi, c’est Deep Blue.

— Qui ?

— Je me demandais s’il restait des traces après toutes ces années, mais visiblement oui.

— C’est qui Deep Blue ?

— Moi Enfin, il y a plus de quarante ans de ça.

— Tu rigoles ? Maman m’a toujours dit que tu n’avais eu que Yvan en amoureux.

— Oui, c’est exact Parce que tu crois que ce que je te montre est de l’amour ?

— Et combien ont vu ça ?

— Depuis le temps que ça traine, je dirais des millions à travers le monde.

J’étais stupéfaite Etait-ce vraiment ma grand-mère qui suçait cette bite énorme et qui arrivait à l’enfoncer entièrement ? Et elle me montrait ça sans le moindre état d’âme.

— Ton chocolat est en train de refroidir.

— Oui heu mais.. Il y en a d’autres ?

— En fouillant, on en trouvera certainement.

— Raconte-moi, s’il te plait.

Alors, elle me parla de Deep Blue, de comment elle est née, de ce qu’elle a fait durant sa troisième année d’études. C’était surréaliste, ça ressemblait à ma vie

— J’ai compris ce que je dois faire. C’est de toute façon ce que je pensais

— Tu as compris quoi ?

— Ben Je pense que tous les mecs voudront coucher avec moi, alors Pourquoi je refuserais ?

— Laisse-moi finir mon histoire. Lorsque j’ai voulu mettre un terme à tout ça, j’ai compris sur qui je pouvais compter. Il n’y en avait vraiment pas beaucoup. Mon erreur a été de donner à ceux qui n’en valaient pas la peine ce qu’ils voulaient de moi, et laisser de côté les seuls qui pouvaient me soutenir.

— Le seul qui en vaut la peine ne veut plus de moi.

— Laisse-le digérer Je suis certaine qu’il te reviendra.

— Il est six heures du matin. Tu me fais un mot d’excuse pour ne pas aller à l’école ? Et en plus, avec ces cheveux

— Ok pour le mot d’excuse, mais je veux te voir plongée dans tes livres de cours. En ce qui concerne tes cheveux, je trouve que ça te va bien. Peut-être que c’est cette couleur que j’aurai dû faire à l’époque.

— Mais, je fais quoi moi avec toutes ces vidéos ?

— Je ne vais pas te mentir, elles ne disparaitront jamais. Mais la loi sur la protection de la vie privée a bien changé depuis mon époque.

— Tu veux dire faire en sorte que je n’apparaisse plus sur les moteurs de recherche ?… J’imagine que tu ne feras pas les démarches à ma place.

— Bienvenue dans le monde des adultes. Yvan disait souvent qu’être adulte c’est savoir assumer les conséquences de ses actes Va te reposer un peu. Je t’amène voir ta mère tout à l’heure. Ca te fera du bien de lui parler.

« Bonjour maman. Je ne pensais pas que j’aurais aussi bien dormi dans ce fauteuil, je suis contente d’avoir pu rester cette nuit avec toi. J’espère que tu as fait de jolis rêves. Crois-tu que Neven et moi ? J’aimerai tant te le présenter. Mais pour ça, faudrait déjà que tu te réveilles Et qu’il me revienne.

Bon, je vais te laisser. J’ai un peu faim. Je vais voir si mamie est arrivée pour aller prendre avec elle un petit déjeuner quelque part. Au fait, au cas où tu ne le sais pas, on est samedi. Je compte bien passer toute la journée avec toi. Y’a Marc aussi qui va venir Désolée, mais je n’arrive vraiment pas à l’appeler papa. Lui aussi espère que tu vas bientôt te réveiller. Il veut que tu habites chez lui après tout ça. Moi, ça ne me gêne pas. Je pense qu’il sera gentil avec toi.

Tu sais, je n’arrête pas de penser à un truc bizarre : c’est bien un camion qui a tué mon grand-père, non ? Et pourtant, c’est aussi un camion qui a amorti ta chute. Sans lui Mamie trouve ça étrange aussi. Mais, c’est juste une coïncidence, pas vrai ?

Bisous, maman. A tout à l’heure Tu sais, j’ai maintenant compris ce que tu as fait pour me protéger contre Patrice. Je ne t’ai jamais remerciée pour ça ; alors, un grand merci maman. Tu es mon idole. Je t’aime.»

— Y Yva Yvana ?

— Maman ? T’es réveillée ?… Docteur !… Infirmière ! Quelqu’un, mais vite bordel, ma mère a parlé !

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