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Un jeu pour deux – Chapitre 1

Un jeu pour deux - Chapitre 1



Jour 1 – Le Livre

J’ai reçu ce livre par erreur. Couverture sobre, mais titre évocateur. Je ne sais pas pour lesquels de mes voisins il était destiné. Peut-être les deux coincés qui sont au troisième étage. Je n’ai jamais entendu le moindre bruit venant de leur appartement et quand je les croise dans l’entrée de l’immeuble, j’ai l’impression qu’ils ont presque honte de se tenir la main en public.

Ce qui est sûr, c’est qu’il ne peut pas m’être destiné. C’est le genre qu’on achète pour pimenter sa vie de couple, qu’on feuillette en fantasmant pendant cinq minutes, avant de retourner à la même routine, à peine un peu ragaillardi. Échec critique et succès commercial garanti. Je me demande tout de même s’il y en a parmi ces couples fatigués qui appliquent vraiment à la lettre les conseils de ce genre de bouquin. À quoi peuvent bien ressembler leurs ébats après tout ça ?

Je disais qu’il ne peut pas m’être destiné, c’est parce que je vis seule, dans un trois-pièces dont une me sert de bureau. Il n’y a pas de couple ici dont on devrait raviver la flamme.

Bon, peut-être qu’à ce niveau, je devrais prendre un moment pour me présenter un peu, mettre une dose de contexte autour de ce qui se passe ici. J’ai 32 ans, je m’appelle Clara, célibataire depuis pas loin d’un an.

Tiens, c’est drôle de se présenter ainsi. Sans y penser, j’ai placé les choses dans cet ordre là, comme s’il s’agissait de ce qui me définit le mieux. D’abord mon âge – 32 ans – qu’est-ce que ça veut dire ? Que je suis du mauvais côté de la trentaine ? Mais encore jeune selon les standards actuels ? Et puis mon prénom, et enfin mon statut marital : célibataire et sans enfant. J’aurais pu dire que je suis Gémeaux ascendant Gémeaux, ou que je n’y connais rien en astrologie de toute façon. J’aurais pu dire que je suis graphiste et que j’aime mon métier. Que j’aime la danse et la musique – parfois même les deux ensemble. Ou encore que mon idée d’une bonne soirée, c’est une pizza suivie d’un film au cinéma.

Mais apparemment, je me vois surtout ainsi, par ces trois pauvres caractéristiques.

Pour compléter mon portrait, je voudrais ajouter quelques mots sur mon allure générale. Je suis brune, avec des yeux assortis. Ma taille moyenne et mes formes me permettent de choisir d’être ce que je veux chaque jour. Quelques traits de maquillage, une jolie robe et des talons et je me transforme. Au naturel, avec un jean et des lunettes. Cheveux noués, short et basket pour mon sport du week-end. Je ne suis pas une bombe, ou de ces filles incroyables dans toutes les situations. Belles au réveil et sans effort (apparent). Mais je m’en sors pas mal.

Lorsque j’ai reçu ce livre, je n’ai pas pu m’en empêcher et je l’ai ouvert. Et puis feuilleté. Et puis j’ai lu un premier passage. Un second. Et puis je n’ai pas pu décrocher.

Je sentais venir l’excitation à chaque début de phrase, pressentant comment elle allait se terminer et des propositions tendancieuses qu’elle allait contenir. Petit à petit, je me suis sentie avoir les joues rouges, le souffle court, la gorge sèche et avide de plus.

Faute d’avoir quelqu’un ou quelque chose sous la main, je me suis allongée sur mon lit, ai déboutonné quelques boutons stratégiques, et j’ai poursuivi ma lecture.

Jour 2 – L’idée, le plan

Samedi matin, réveil tardif avec les yeux embués et des souvenirs de mes plaisirs solitaires. La lecture s’est poursuivie jusqu’à ce que je m’écroule sur l’oreiller, repue d’informations et de manipulations. J’avais découvert plusieurs choses sur moi-même au cours de cette longue nuit. Premièrement, je suis en manque et pleine d’envies. Et surtout, mes murs ont jusque-là été très peu imaginatives. Il faut dire que je suis restée en couple avec le même homme pendant près de dix ans et qu’après les premiers mois, nous sommes lentement rentrés dans une routine, agréable, mais sans plus.

Il me faut davantage que de l’efficacité. J’ai loupé quelque chose pendant ces années, mais j’ai du temps pour me rattraper. Ce pauvre bouquin m’a montré une ébauche de la suite, et pour cela, il me faut un partenaire prêt à m’accompagner sur ce chemin.

****

Je m’imagine en train d’aguicher un type, m’asseyant à côté de lui sur le banc d’un quai de métro désert. Petite robe noire et talons aiguilles, taux d’alcoolémie modéré, joues rosées et poitrine dressée. Il me jette un regard, se demandant ce qui lui arrive. Est-ce une invitation ? Faut-il l’aborder ? Le vide se fait dans ma tête alors qu’il me dit bonsoir.

Bonsoir, je m’appelle Clara.

Moi, c’est Antoine. Tu as passé une bonne soirée Clara ?

Pas mal, enfin pour le moment, il n’est pas trop tard pour qu’elle s’améliore encore.

Ah ? Et qu’est-ce que tu voudrais qu’il arrive pour illuminer cette fin de soirée alors ?

Je ne sais pas, peut-être prendre un verre avec un inconnu. Qu’en penses-tu ?

Hum… C’est une bonne idée je trouve. J’aimerais bien être cet inconnu.

Pendant ce court échange, il se tourne vers moi et me sourit. Une barbe courte sur son menton et ses joues, son torse semble bien dessiné sous sa chemise. Il a cet air rassurant qui donne envie de coller la tête sur son épaule pour s’endormir en entendant ses battements de cur. Je vois une forme se dessiner au niveau de son entrejambe alors qu’il se renfonce dans son siège. Oui, il aimerait bien être cet inconnu.

Je pense que ça peut s’arranger. Je connais un bar plutôt sympathique à deux stations d’ici.

Nous entrons dans la rame de métro qui vient d’arriver à quai. Je lui prends la main et l’entraîne vers une rangée de sièges vides sur lesquels nous nous asseyons côte à côte. Sans que je m’en rende compte, je passe ma main derrière sa nuque, l’attire contre moi et presse ses lèvres contre les siennes. Le baiser dure longtemps, et je ferme les yeux pour aviver mes autres sens. La main d’Antoine se pose sur mon bras nu alors que la mienne descend lentement sur sa poitrine. Je sens son téton durcir au contact de mes doigts à travers le tissu, je descends encore le long de son flanc pour passer sous la chemise et caresser enfin sa peau. Devant mes avances, il s’enhardit aussi et m’attire plus encore vers lui, son bras frôle l’un de mes seins avant de passer dans mon dos pour m’enlacer.

C’est un moment intense, je peux sentir son parfum mentholé, son cur qui accélère, le goût du vin sur sa langue, ma poitrine qui se gonfle et attend ses caresses à venir. J’écarte mes lèvres des siennes et lui glisse à l’oreille :

Si tu veux, on peut oublier le bar, j’ai de quoi nous préparer de bons cocktails chez moi…

Le reste du trajet passe en un instant et je me retrouve adossée à la porte d’entrée de mon appartement, ma culotte sur les chevilles, et la langue d’Antoine qui m’explore avec attention. Un bruit venant du hall de l’immeuble me sort de la transe et je fouille dans mon sac pour retrouver mes clefs :

Relève-toi ! Il faut qu’on entre pour continuer ça dans ma chambre… ou sur le canapé… ou sur la table !

Les mains fébriles, alors qu’Antoine me caresse sous ma robe, je pousse la clef dans la serrure et tourne la poignée. Quelques pas dans l’appartement, je fourre le trousseau dans le sac et ressors dans le même mouvement un préservatif que je montre à mon camarade de jeu avant de le poser sur la table.

Je retire ma robe et me retrouve donc nue à l’exception du soutien-gorge – ma culotte étant déjà entre les mains d’Antoine. Ce dernier s’avance vers moi, encore tout habillé, mais plus pour très longtemps. Il commence à déboutonner sa chemise alors que je m’occupe de son pantalon. Les deux vêtements valsent en même temps, le laissant dans un boxer dont le tissu est tendu à craquer. Le pauvre doit avoir mal et je le libère rapidement.

Il me prend dans ses bras, me soulève et me pose sur la table. À portée de ma main le préservatif dont je déchire l’emballage. Alors qu’Antoine retire le dernier vêtement que je porte et commence à caresser mes seins, je déroule la protection sur son sexe qui vibre sous mes doigts. Je le saisis à pleine main et l’approche doucement de moi jusqu’à poser son gland sur ma vulve.

Continue de me toucher, j’adore.

Ses gestes se font plus pressants, il embrasse mon cou et mon épaule, sa barbe frottant ma peau surexcitée. Je dirige ses mains vers mes cuisses qu’il effleure, vers ma poitrine à nouveau qui en demande encore, vers le bas de mon dos enfin pour qu’il m’agrippe les hanches. Je fais durer cet instant le plus longtemps possible, cherchant à ralentir le temps pour profiter au maximum de chaque seconde d’excitation.

Nous sommes tendus au maximum, incapables l’un comme l’autre d’attendre plus encore. J’enroule mes jambes autour de son corps et l’attire en moi d’un coup sec, enfin le temps reprend sa course de plus belle et chaque seconde est accompagnée d’un coup de rein qui me tire un gémissement.

Soudain, je me cambre, secouée par le plaisir qui irradie de mon bas-ventre et se diffuse dans le reste de mon corps.

****

Bon sang, Clara, ce n’est pas bien de fantasmer ainsi. Il est mignon cet Antoine imaginaire, mais il va falloir trouver quelqu’un de vrai. Et il est hors de question d’enchaîner les coups d’un soir n’importe comment.

Non, il faut un homme qui soit à moi, disponible et intéressé par mes fantasmes. La solution qui me vient là, c’est un colocataire. Quelqu’un qui pourrait vivre avec moi et apprendre en même temps que moi sur tous ces plaisirs qu’on peut imaginer à deux. Je vais y réfléchir.

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