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Julie et Mariam – Chapitre 8

Julie et Mariam - Chapitre 8



J’ouvre un il. Le réveil a sonné plus fort que d’habitude et résonné durement dans mon cerveau fatigué. Me lever du lit est une épreuve. J’aurais souhaité rester blottie contre Mariam pour notre dernier matin ensemble. Un sentiment me compresse la poitrine. Notre avenir m’obsède depuis hier et j’ai cauchemardé une partie de la nuit.

J’entre dans le séjour comme un zombie. Mariam, assise sur le canapé, pianote sur son téléphone.

Bonjour, lance-t-elle d’une voix neutre sans lever la tête.

Bonjour, dis-je dans un souffle.

Son attitude tranche avec son comportement de la veille. Je me pose sur le bar où mes petits croissants m’attendent, mais je n’ai pas le cur à manger ce matin.

Bonjour, les filles.

Bonjour, Maman. Tu rentres à quelle heure ce soir ?

21 h. Vous venez me chercher ?

Bien sûr. Tu sais, c’est long une semaine, déclare Cathy.

On a aimé être toutes seules, mais tu nous manques, maman, reprend Émily.

Vous me manquez aussi mes amours.

Je sens une légère variation dans sa voix, une émotion qui monte lentement, mais le capitaine du navire ne peut pas laisser paraître ses faiblesses. Cela me bouleverse, j’aimerais la prendre dans mes bras.

* * * *

En entrant dans le hall, je n’ai pas réagi au salut de Paul. A ma tête, il a compris que je n’étais pas d’humeur pour nos petites joutes quotidiennes. Ce matin, dernière ligne droite, l’épreuve sera close à midi. Dans cette satanée salle, la chaleur n’a plus aucun effet sur moi. Je fixe le cou de Mariam. Nos sentiments me paraissent irréels tellement ils sont forts. Je respire mal. Cet après-midi, fin des évaluations et remise des diplômes pour certains. Ensuite, Mariam va rentrer chez elle où l’attendent ses filles. Chacune va reprendre sa vie de son côté. Pendant combien de temps nous appellerons-nous ? Prévoir de se revoir un week-end de temps en temps. Une histoire banale quelques jours, un peu comme une rencontre de vacances avec son lot de promesses non tenues. Le proverbe dit bien : « Loin des yeux, loin du cur ». J’ai mon boulot et mon appartement sur Paris ; elle, ses filles et sa vie sur Nantes.

Un fossé de quatre cents kilomètres nous sépare et son choix ne fait aucun doute. Une immense tristesse m’envahit. Je relève la tête d’un coup, la salle se vide.

Tu viens manger ? s’étonne Mariam en sortant de la pièce.

Déjà midi; perdue dans mes pensées, je n’ai pas entendu l’annonce de fin de séance.

Nous nous traînons sans un mot jusqu’au self plein à craquer, trouver une place à l’écart va être difficile. Comme tous les vendredis, il y a plus de bruits, j’ai pourtant l’habitude, mais aujourd’hui, ils me remplissent le crâne. Les employés attendent le sacro-saint week-end contrairement à moi qui prie pour que le temps s’arrête. Les yeux rivés sur mon assiette, je tourne autour de mon éternelle salade en évitant son regard.

Ça va, Julie ?

Je réponds dans un souffle sans lever les yeux :

Je suis exténuée.

Oui, cette semaine a été très…particulière ! reprend-elle d’une petite voix.

J’ai envie de lui déclarer ma flamme, mais avec tout ce monde autour de nous, c’est inconcevable. Ce n’est ni le lieu ni l’instant, et puis je suis incapable de prononcer ces mots.

* * * *

14h00, les candidats tournent en rond dans le hall en attendant leur sort. Les minutes passent à une vitesse folle cet après-midi, cette impression désagréable de l’accélération du temps quand on souhaite qu’il s’arrête. Dans la grande salle de réunions, l’un après l’autre, nous argumentons nos rapports et évaluations sous le regard attentif du boss. Mais mon esprit navigue dans d’autres eaux.

Julie, tu es avec nous ? tonne une voix tonitruante qui me sort de mes pensées.

Au bout de la table, mon patron me jette un regard sévère.

Oui, excusez-moi.

Il faut dormir la nuit, Madame Prévert !

Je grimace à cette réflexion qui déclenche l’hilarité de mes collègues. Seul Paul reste de marbre, les sourcils froncés. Je suis sûre qu’il a compris, il a toujours un temps d’avance sur les autres.

Lors de la cérémonie organisée dans le hall, Paul annonce la liste des candidats retenus et remercie les recalés pour leurs efforts. Il souligne qu’un dossier leur sera envoyé pour qu’ils puissent connaître le motif du refus et où se situent leurs faiblesses. Ensuite, chaque tuteur remet un certificat de validation de connaissances à son candidat. Sans surprise, Mariam a réussi son test. Quand je lui remets le document, nos mains s’effleurent, me communiquant un peu de son énergie. Ses yeux sont tristes comme si elle, aussi, avait compris l’issue de notre folle aventure ; enfin, c’est ce que j’imagine. Derrière elle, sa petite valise Hello Kitty l’attend. Cela me retourne les sangs et me serre la poitrine, j’étouffe. Son train est dans une heure, nous devons partir.

* * * *

Les huit stations de métro qui nous séparent de la gare Montparnasse défilent trop vite. J’aurais aimé être seule un instant avec elle, peut-être aurais-je pu lui dire, encore un peut-être qui souligne mon manque d’assurance. Sur le quai, nous nous regardons, les yeux pleins de larmes. Je m’approche et monte sur la pointe des pieds pour effleurer ses lèvres, mais Mariam ne répond pas à mon baiser. Elle attend autre chose. Un sentiment fort que je ne parviens pas à exprimer. La nuit dernière, pour la première fois, elle m’a déclaré son amour : un « je t’aime » magnifique qui m’a transpercé le cur et l’âme. Je l’ai serrée contre moi, mais je n’ai pas pu lui répondre. Ces mots sont plus difficiles à exprimer que je ne l’imaginais.

Fermeture des portes, mesdames, vous devez monter.

En une phrase, le contrôleur vient d’exploser notre bulle et mon dernier espoir. Le retour à la réalité est violent. Les bruits de la gare me submergent. Mariam fond en larmes et s’engouffre dans le wagon sans se retourner. Sur ce quai, je viens de perdre une partie de moi-même. Une envie de hurler me prend aux tripes, la douleur est immense. Je me suis convaincue que c’était mieux pour nous deux. Une attitude purement égoïste pour trouver toutes les excuses possibles. Ses filles vont croire que je leur vole leur mère. Et en parlant de mère, je pense à la mienne qui me mènera une vie d’enfer. J’ai même songé à notre différence d’âge, c’est pathétique. J’ai décidé seule et n’ai laissé aucune chance à un possible avenir ensemble, malgré tous les appels au secours que j’ai perçus dans ses yeux.

* * * *

Le claquement de la porte d’entrée résonne dans mon appartement vide de sa présence. Son parfum est encore dans l’air et j’inspire profondément pour m’en imprégner. Cela ne refermera pas la déchirure dans mon cur, plaie béante et douloureuse. Je n’aurais jamais imaginé que cela puisse être aussi éprouvant. J’ai envie de la voir sortir de la cuisine pour me souhaiter la bienvenue et m’enlacer, envie du goût de ses lèvres, envie de son corps contre le mien. Je ne trouve pas de mots assez forts pour exprimer ma souffrance. Adossée à la porte, je glisse au sol sans force d’aller plus loin. Ma tête tombe entre mes genoux pour vider toutes les larmes de mon corps. Pourquoi n’ai-je pas pu la retenir ?

Tu me manques tellement, Mariam.

Samedi

J’ai passé la nuit sur le sol de mon entrée. Une idée vraiment stupide ! Certainement pour me punir de ma lâcheté. Je suis courbaturée, j’ai froid, la gorge sèche. Je n’ai rien mangé ni bu depuis hier midi, lors de notre dernier repas ensemble. Je me relève péniblement avec la tête qui tourne. D’un pas incertain, je me dirige vers la cuisine pour préparer un café. De toute façon, je ne pourrais pas avaler autre chose avec cet estomac noué. Ensuite, je passerai sous la douche et direction le bureau. Le samedi, l’agence sera vide, personne ne me posera de questions. Je me suis même convaincue que cela me changera les idées. Cet appartement m’étouffe.

A mon arrivée dans l’immeuble, j’ai surpris le vigile dans sa ronde et déclenché l’alarme en entrant plusieurs codes erronés sur le clavier de l’étage. En mode zombie, je suis restée immobile dans le hall pendant de longues minutes, sans savoir quoi faire de ma peau. Ici, j’ai aperçu Mariam pour la première fois. C’est une mauvaise idée d’être là, encore une.

Il m’a fallu un bon quart d’heure pour me décider à emprunter le couloir des bureaux. Puis, je me suis affalée sur mon fauteuil comme une loque. Dans un silence pesant, je scrute mon téléphone comme une bête curieuse. D’un doigt, il me serait pourtant facile de composer son numéro pour entendre sa voix, deux secondes, pas plus, et lui crier : je t’aime, pardonne-moi . Mon cerveau se brouille, j’ai un mal fou à me concentrer, une profonde impression d’enlisement mentale.

Lors de notre dernière étreinte, la peur de décevoir Mariam m’a retenu mes mots. Une angoisse lancinante pour cette femme si merveilleuse que j’ai placée sur un piédestal m’a empêchée de déclarer ma flamme, de saisir cette chance unique de connaître le bonheur.

Est-ce toujours possible, maintenant ?

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